L’Indonésie ou l’émergence d’une puissance moyenne

Un universitaire américain estime que l’Indonésie est devenue une puissance moyenne et qu’elle en joue désormais le rôle. Le jugement ne fait pas l’unanimité.

Un universitaire américain estime que l’Indonésie est devenue une puissance moyenne et qu’elle en joue désormais le rôle. Le jugement ne fait pas l’unanimité.

Bruce Gilley, enseignant à l’université d’Etat de Portland, écrit dans les colonnes du New York Times que l’évènement le plus important de la dernière tournée asiatique de Hillary Clinton a eu lieu à Jakarta, le 3 septembre, quand la secrétaire d’Etat américaine a reconnu que Washington acceptait «le leadership» de l’Indonésie dans la recherche de solutions aux «disputes territoriales» en mer de Chine du Sud, «disputes qui ont été la source de propos belliqueux, ces derniers mois, de la Chine, du Vietnam et des Philippines

Auteur d’un essai récent sur la légitimité des Etats (The Right to Rule : How States Win and Lose legitimacy), Gilley fait valoir que Washington accorde un rôle prédominant à Jakarta dans la négociation en mer de Chine du Sud parce que l’Indonésie ne se range pas dans le camp américain. Au cours de la conférence de presse conjointe avec Mme Clinton, le ministre indonésien des affaires étrangères, Marty Natalegawa, a été clair : le leadership indonésien dans cette affaire «ne signifie pas qu’il se manifeste aux dépens de tout autre parti.»

En observant une stricte neutralité dans le conflit de la mer de Chine du Sud, l’Indonésie peut avoir une influence sur la négociation et se range donc, selon Gilley, dans la catégorie des «puissances moyennes» : de 10 à 20 Etats qui, comme l’Afrique du Sud ou l’Australie, ne sont pas des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ne sont pas des géants comme le Japon, l’Inde ou l’Allemagne. L’appel à l’Indonésie est, de la part des Etats-Unis, l’aveu d’une incapacité à trouver «une réponse stratégique efficace à l’influence croissante de la Chine.»

Promouvoir le rôle de l’Indonésie contraint sans doute Washington à accepter «quelques compromis.» Mais cette attitude devrait encourager des solutions acceptables par Pékin. Il reste que résoudre ce genre de conflit prend beaucoup de temps et que le statut de «puissance moyenne» n’est pas un acquis définitif. «L’Indonésie est une puissance moyenne classique ; c’est un pays devenu récemment démocratique et qui se développe rapidement avec un potentiel militaire et diplomatique notable», estime Gilley. Mais la stabilité politique de l’archipel n’est pas garantie avec une présidence dont la popularité s’est essoufflée et une succession, en 2014, qui s’annonce pleine d’incertitudes.