Hanoï vise le label de "capitale créative de l’Asie du Sud-Est"

Deux ans après avoir été reconnue membre du Réseau des villes créatives de l’UNESCO, Hanoï pousse plus loin sa vision : devenir la capitale créative de l’Asie du Sud-Est, voire de l’Asie.

Abritant environ huit millions d’habitants, la capitale vietnamienne dispose d’un trésor culturel riche et varié avec près de 6.000 sites historiques et culturels, 1.350 villages d’artisanat traditionnel, une forte communauté de designers et créateurs, ainsi que de nombreux espaces créatifs, existants et en formation. Elle a été reconnue “Ville de la paix” en 1999 par l’UNESCO, et a adhéré le Réseau des villes créatives en 2019 dans le domaine du design.

Quatre volets

Poursuivant son objectif de devenir, dans le futur, un pôle créatif de l’Asie du Sud-Est, et même de toute l’Asie, Hanoï s’engage à placer la culture et la créativité au cœur de sa stratégie de développement durable. Pour concrétiser ses engagements pris avec l’UNESCO, la ville se concentre dans les plans d’action à long terme afin de promouvoir et d’exploiter efficacement son potentiel et ses atouts dans le design créatif. “De nombreux travaux et projets innovants sont d’ores et déjà lancés”, affirme l’ancien secrétaire du Comité municipal du Parti, Vuong Dinh Huê (aujourd’hui président de l’Assemblée nationale vietnamienne).

La ville a obtenu des résultats encourageants dans la valorisation de ses ressources pour consolider son image de ville créative basée sur quatre volets : sites historiques et culturels, patrimoines culturels immatériels, espaces créatifs et villages de métiers artisanaux. Beaucoup de sites historiques et culturels sont déjà mis en valeur en vue de devenir plus attractifs. La ville a mis en œuvre de nombreux projets pour protéger et promouvoir les patrimoines culturels immatériels tels que le chant  dans le district de Quôc Oai, le chant trông quân (chant et danse avec tambourins) dans les districts de Phuc Tho, Thuong Tin, Phu Xuyên, les argots à Da Chât à Phu Xuyên… Certains patrimoines sont exploités pour développer le tourisme culturel.

Dans son projet de résolution “Développement de l’industrie culturelle de la capitale pour la période 2021-2025, orientation à 2030 et vision à l’horizon 2045”, le Comité municipal du Parti a insisté sur la création d’espaces créatifs, condition préalable pour l’établissement d’une ville créative. Des séminaires et débats réunissant gestionnaires et experts nationaux et internationaux ont été organisés en vue de trouver des solutions optimales. Fin 2020, la ville a lancé le concours “Design des espaces créatifs de Hanoï” pour susciter des idées nouvelles.

Espaces créatifs

La ville est arrivée en tête du pays pour le nombre d’espaces créatifs, avec de grands succès pour certains tels l’espace piétonnier autour du lac Hoàn Kiêm, la rue piétonne Trinh Công Son, la rue des fresques murales Phùng Hung, la coopérative de peintures en tissu Vun Art, le projet valorisant la quintessence des villages de métiers, la zone architecturale et culturelle du musée de Hanoï…
Des centres de créations artistiques tels que O kia Hanoï, Heritage Space, Hanoi Creative City, Toong, VICAS Art Studio… battent leur plein, donnant plus de vitalité à la vie culturelle des Hanoïens. “L’an passé, O kia Hanoi a organisé plus de 200 activités créatives”, informe la réalisatrice Nguyên Hoàng Diêp, sa fondatrice.

Hanoï a rejoint le Réseau des villes créatives dans le design, donc ce domaine est particulièrement pris en compte. Pour les villages de métiers artisanaux, le concours “Conception des produits artisanaux de Hanoï” et le programme “One Commune One Product” (OCOP en anglais ou “À chaque commune son produit” en français)… ont stimulé la créativité.

L’UNESCO a promis de soutenir Hanoï dans ce processus ambitieux et de longue haleine. Elle souhaite que la ville devienne une capitale créative de l’Asie du Sud-Est et même de l’Asie, sur la base de ses patrimoines, de sa culture et de son statut de ville de la paix. À cette fin, elle élabore un projet appuyé sur trois piliers : éducation, urbanisation, culture et puissance douce. “À travers ce projet, nous aiderons Hanoï à nouer des relations avec d’autres villes du monde ainsi qu’avec celles qui s’intéressent à son développement”,  souligne l’ancien représentant en chef de l’UNESCO au Vietnam, Michael Croft.

En avril dernier à Hanoï, l’UNESCO s’est coordonnée avec deux autres organisations onusiennes – ONU-Habitat et ONUDI – pour organiser des ateliers dans le cadre de leur projet “Mobiliser les ressources culturelles et la participation de la jeunesse pour faire de Hanoï une capitale créative”, en coopération avec le groupe vietnamien SOVICO.

Lever les obstacles 

Il est indéniable que l’établissement d’espaces créatifs est une condition sine qua non pour identifier une ville créative, puis changer sa physionomie. Mais Hanoï rencontre des obstacles dans ce processus. Lê Quang Binh, coordinateur du réseau “Pour une ville Hanoï agréable à vivre”, partage que la capitale doit avoir des politiques pour connecter les espaces culturels et créatifs et les réunir en un réseau. Il a suggéré que la ville convertisse certains locaux d’anciennes usines en espaces créatifs ouverts au public.

Le Centre d’activités culturelles et scientifiques Van Miêu – Quôc Tu Giam (Temple de la Littérature) est un des pionniers dans l’expérimentation d’activités culturelles aux couleurs créatives, très appréciées par l’UNESCO. Cependant, selon son directeur Lê Xuân Kiêu, pour continuer de développer des idées innovantes dans le secteur culturel, cet organisme public a besoin d’établir des partenariats, avec des entreprises privées par exemple. 

Mais ledit centre peine à établir ce mode de coopération. “Selon la Loi sur la gestion des biens publics, pour réaliser une telle coopération, le centre doit bien évaluer ses actifs, c’est-à-dire la valeur du site Van Miêu – Quôc Tu Giam qu’il gère, et ceci est impossible ! En raison de l’absence d’un partenariat public-privé, le secteur culturel a du mal à attirer les entreprises pour y investir”, regrette-t-il.

Pour les villages de métiers artisanaux, le design est l’âme du produit, et il faut toujours lancer de nouveaux modèles pour répondre aux goûts des clients. Mais les familles d’artisans avouent qu’elles n’ont pas de ressources financières suffisantes pour investir dans la conception créative et l’application des technologies. “Dans le contexte d’intégration actuel, si les artisans n’ont que l’enthousiasme et le savoir-faire ancestral, ce n’est pas suffisant. Il leur faut savoir appliquer les avancées scientifiques et technologiques pour élever la productivité et la qualité de leurs produits. Ceci est un grand défi et nous avons besoin du soutien des autorités“, observe Dô Trong Doàn, représentant de l’Association de la laque poncée du village de métier de Hà Thai.

Pour devenir une capitale créative de l’Asie du Sud-Est, Hanoï devra valoriser ses atouts mais aussi relever ses défis.

Les villes créatives de l’UNESCO
 
En octobre 2019, Hanoï et 65 autres villes ont été désignées “Villes créatives de l’UNESCO”. En tant que laboratoires d’idées et de pratiques innovantes, ces villes apportent une contribution tangible à la réalisation des Objectifs de développement durable en s’appuyant sur la pensée innovante et des projets inscrits dans le territoire. À travers leur engagement, elles sont en première ligne des actions qui contribuent directement au développement durable au bénéfice des communautés à l’échelle urbaine.

Le Réseau des villes créatives de l’UNESCO (RVCU) a été créé en 2004 et se compose désormais de 246 villes. Les villes membres sont issues de tous les continents et de toutes les régions, et s’inscrivent dans des contextes socio-économiques et démographiques divers. Toutes poursuivent la même mission : placer la créativité et l’économie créative au cœur de leurs plans de développement urbain en faveur de villes sûres, résilientes, ouvertes à tous et durables, en cohérence avec le Programme des Nations unies de développement durable à l’horizon 2030. -CVN/VNA

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