L’Indonésie sort d’un long sommeil et trouve sa voie

Selon A. Lin Neumann, l’un des fondateurs du Jakarta Globe, les Indonésiens sortent d’«un long sommeil» et «trouvent, finalement, leur chemin».

Selon A. Lin Neumann, l’un des fondateurs du Jakarta Globe, les Indonésiens sortent d’«un long sommeil» et «trouvent, finalement, leur chemin».

Au lendemain de la chute de Suharto, en mai 1998, le cinéaste Garin Nugroho jugeait ses compatriotes «déboussolés». Ses gouvernants avaient menti à l’Indonésie sur toute la ligne pendant trois décennies, y compris sur la genèse du régime de Suharto. Le «coup», l’assassinat de cinq généraux le 30 septembre 1965, était la responsabilité des communistes, massacrés dans la foulée par l’armée et quelques milices musulmanes (un demi-million de victimes). Il n’y avait pas d’autre vérité.

Avaient suivi, expliquait Garin, “trois décennies de bourrage de crâne», à l’école, dans les médias, s’appuyant sur une censure sans faille.” Les Indonésiens étaient incapables de comprendre ce qui s’était passé et ce qui se passait. Par exemple, ils sont tombés des nues – officiels en tête – quand plus de 80% des Timorais de l’Est ont choisi l’indépendance en 1999.

Toutefois, les effets de ce bourrage de crânes commencent à se dissiper. «Une part de la grandeur de toute nation est sa capacité à faire face à sa propre histoire. Sur ce plan-là, l’aveuglement officiel de l’Indonésie à propos des évènements de 1965 et d’autres sombres chapitres faits d’abus sont inacceptables», écrit Neumann. Mais il ajoute aussitôt : «Cela, désormais, a changé».

A l’issue de quatre ans d’enquête, Kommas HAM, la Commision nationale des droits de l’homme a récemment estimé que la persécution et les meurtres des membres présumés du PKI (PC indonésien) en 1965-1966 représentent «une grossière violation des droits de l’homme et qu’au nom de la lutte contre le communisme, de nombreux crimes ont été commis par les militaires : meurtres, expulsions, torture, viols et autres abus.

Le voile est donc officiellement levé sur les exactions, les horreurs, les brutalités commises par Kopkamtib, un Commandement opérationnel pour la restauration de la sécurité et de l’ordre, que Suharto a dirigé de 1965 à 1967 et dont il s’est servi pour asseoir son pouvoir. En 1978, rappelle Neumann, un rapport interne de la CIA avait conclu que les massacres de 1965-1966 en Indonésie ont été parmi les pires du XX° siècle, à ranger aux côtés des «purges soviétiques des années 1930, des crimes nazis pendant la Deuxième guerre mondiale, et du bain de sang maoïste au début des années 1950».

D’habitude circonspect et prudent, le président Susilo Bambang Yudhoyono, officier à la retraite et qui a fait sa carrière à l’ombre de Suharto, a ordonné à son Attorney general de s’occuper du suivi à donner au rapport de Kommas Ham. Prônant la réconciliation, le chef de l’Etat souhaite engager un processus légal. Les conditions semblent, peu à peu, se réunir : bonne santé économique, changements de gouvernement par le biais d’élections acceptées, débats ouverts dans les médias. Le rétablissement de la vérité historique semble suivre.

Jean-Claude Pomonti