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Analyse Société Thaïlande

Chronique de Thaïlande : les paysans veulent des sous, pas des têtes

La crise que traverse le royaume est le produit d’une évolution économique de la paysannerie, selon une nouvelle et passionnante étude.

L’opposition entre Chemises jaunes et Chemises rouges en Thaïlande est souvent caractérisée dans les médias comme étant un conflit opposant les “élites urbaines” aux “paysans pauvres des provinces”. Ces derniers, menacés dans leur survie quotidienne, se seraient révoltés contres les abus et les privilèges des riches. En 2010, comme l’avait titré le quotidien Bangkok Post, ces “hordes rurales” seraient descendues sur Bangkok pour mettre à bas le pouvoir des amart (i.e. des privilégiés). Chacun se rend compte que, bien sûr, la réalité est plus complexe.

Le livre Thailand’s Political Peasants, publié par le politologue australien Andrew Walker (1), est la première étude destinée à un large public qui permet de cerner précisément les éléments en jeu. Ce livre à caractère universitaire n’est pas d’une lecture facile. Il est truffé d’expressions telles que “ontologie du pouvoir” ou “contraintes idéologiques sur la mobilisation paysanne”. Mais si l’on fait l’effort de digérer ce jargon, l’ouvrage apporte un éclairage approfondi et pertinent sur les mécanismes qui agitent la société thaïlandaise ces dernières décennies.

L’auteur, qui centre son étude sur le cas du village de Ban Tiam dans la province de Chiang Mai, balaie quelques mythes tenaces. Comme, par exemple, celui selon lequel la paysannerie thaïlandaise est en voie de disparition ou qu’elle est majoritairement miséreuse. S’appuyant sur un flot de statistiques et de graphiques, Andrew Walker, qui a cofondé le site New Mandala, montre que le niveau de revenus des paysans thaïlandais a fortement augmenté depuis la fin des années 1970, et ce dans toutes les régions du royaume. “Avec un revenu moyen équivalent à deux ou trois fois le seuil de pauvreté, la paysannerie thaïlandaise n’est certainement pas aisée, mais le ménage rural moyen dispose maintenant d’une sécurité concernant sa subsistance”, écrit-il. Cette augmentation des revenus des paysans s’est faite grâce à une diversification des types de cultures – non plus seulement du riz, mais des cultures d’exportations comme par exemple les ananas ou des végétaux entrant dans la composition de boissons – ainsi que par l’ajout de revenus non agricoles, tels que le petit commerce ou  le travail saisonnier comme taxi.

L’industrie et le secteur des services, localisés dans les zones urbaines, se sont développés parallèlement à cette montée des revenus des familles rurales, mais à un rythme beaucoup plus rapide. Il en a résulté une baisse de la part de l’agriculture dans l’économie nationale : 12 % du PIB en 2008 contre 36 % au début des années 1960. Et comme cela se produit souvent dans les pays qui évoluent d’un statut de pays à bas revenus vers un statut de pays à revenus intermédiaires, la conversion des paysans en acteurs économiques dans les secteurs industriel et des services n’a pas suivi : 42 % de la main-d’œuvre thaïlandaise était encore employée dans l’agriculture en 2008 contre 83 % au début des années 1960.

Il s’ensuit, selon la démonstration d’Andrew Walker, une perte de productivité dans le secteur agricole par rapport aux autres secteurs de l’économie. “Les rendements des rizières thaïlandaises sont parmi les plus bas du monde”, écrit-il, en précisant que “les rendements rizicoles dans le Laos sous-développé ont dépassé les rendements thaïlandais au milieu des années 1980 et se situent actuellement 15 % au dessus”. L’inégalité sociale et de revenus est la conséquence inévitable de cette très faible productivité agricole, ce dont les gouvernements thaïlandais ont commencé à prendre conscience au cours des années 1980, cessant dès lors de “taxer les agriculteurs”, pour au contraire les subventionner. Ce schéma n’est pas spécifique à la Thaïlande, mais le royaume se distingue par l’extrême disparité entre les familles rurales et les résidents des zones urbaines.

L’investissement de l’Etat dans les zones rurales sous forme de construction d’infrastructures et de soutien à la santé, à l’éducation et aux prix agricoles, a largement contribué à relever le niveau de revenus des paysans, mais aussi celui de leurs attentes. “Le résultat final est que l’Etat thaïlandais a aidé à maintenir une large population rurale qui, malgré une amélioration significative du niveau de vie, est insuffisamment productive pour satisfaire pleinement les aspirations que la croissance économique a éveillées”, écrit l’universitaire. Les efforts gouvernementaux pour réduire l’écart ville-campagne n’a pas suffi à transformer socialement la paysannerie. Et celle-ci, l’appétit aiguisé, consciente des privilèges des habitants des villes, réclame davantage. Thaksin Shinawatra, Premier ministre de 2001 à 2006, n’a pas créé cet état de fait : celui-ci est l’aboutissement d’une évolution sur plusieurs décennies. Mais il a su le reconnaître et en tirer son avantage.

(1) Thailand’s Political Peasants. Power in the Modern Rural Economy, par Andrew Walker, University of Wisconsin Press, Madison, 2012

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Indonésie

L’Indonésie peut planter des palmiers à huile sans déboiser

A Kalimantan, partie indonésienne de Bornéo, Jakarta pourrait planter 14,5 millions d’hectares de palmiers à huile sans déboiser, selon des chercheurs américains.

Rassemblant une centaine de scientifiques, d’économistes, de politistes et de financiers, l’Institut des ressources mondiales de Washington (WRI, pour World Resources Institute) se concentre sur les moyens pratiques de concilier développement économique et protection environnementale. Il vient de publier une étude, selon le site écologiste Mongabay, qui conclut qu’à Kalimantan, 14,5 millions d’hectares pourraient être affectés à des plantations de palmiers à huile sans pour autant y poursuivre la destruction de la couverture forestière, notamment sur sols de tourbes.

L’Amazonie en Amérique latine et l’île de Bornéo en Asie du sud-est sont les principales réserves de forêts primaires de la planète. A Kalimantan, qui occupe plus de la moitié de la superficie de Bornéo, le taux de déforestation est l’un des plus élevés au monde, notamment en raison des énormes pressions exercées par les planteurs de palmiers à huile. L’Indonésie est le premier producteur mondial d’huile de palme (et cette production est la source de la destruction de la moitié des sols de tourbe et du quart de la conversion des forêts).

Le WRI (www.wri.org/) a publié une analyse de la couverture forestière accompagnée de cartes de «la déforestation qui s’est produite sur une base annuelle à Kalimantan depuis 2001», selon Mongabay. Cette étude devrait aider les sociétés et les services de l’administration concernés par le «développement durable» de l’huile de palme. Ces «outils» permettent aux utilisateurs (acheteurs, investisseurs, gouvernement) d’établir les paramètres qui serviront à repérer les sites adaptés au développement d’une «production durable d’huile de palme». Hors forêts.