L’UE prépare de nouvelles sanctions contre la Birmanie

La communauté internationale d’interroge sur l’efficacité des sanctions contre la junte birmane alors l’UE s’apprête à prendre de nouvelles mesures contre les responsables du coup d’État en Birmanie

Après le coup d’État birman du 1er février, les réactions occidentales ne se sont pas faites attendre.

La Nouvelle-Zélande a suspendu ses contacts militaires et politiques avec le pays, les Etats-Unis ont mis en place des sanctions commerciales contre plusieurs responsables militaires, l’Union Européenne a suspendu les aides financières directes aux programmes de réforme du gouvernement.

Ces sanctions s’ajoutent à celles déjà mises en place en réponse au massacre des Rohingyas. Mais l’actuelle intensification de la répression militaire remet en question l’impact de ces mesures sur la junte.

D’après l’agence Reuters de nouvelles sanctions contre la Birmanie pourraient être approuvées par les ministres des Affaires étrangères de l’UE le 22 mars. Elles viseraient les entreprises «générant des revenus ou fournissant un soutien financier aux forces armées du Myanmar», selon un document daté du 5 mars.

Des diplomates de l’UE ont déclaré à Reuters que les conglomérats contrôlés par les militaires comme le Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL) et le Myanmar Economic Corporation (MEC), étaient susceptibles d’être ciblées par des mesures empêchant les investisseurs et les banques de l’UE de faire de réalilser des transactions commerciales et financières avec ces groupes.

Le poids de l’Union Européenne dans l’économie birmane

Il est important de noter que le poids de l’Union Européenne dans l’économie birmane a augmenté avec la transition démocratique et l’ouverture du pays, débutées en 2011. L’un des buts de cette transition était de diversifier les partenaires économiques du pays en s’ouvrant à l’Occident.

La Birmanie est ainsi le deuxième bénéficiaire d’aide au développement de l’Union en Asie et plusieurs entreprises européennes se sont implantées dans le pays. Mais ces investissements ont été freinés par la crise des Rohingyas et n’ont donc pas permis un vrai développement de l’influence occidentale.

La Chine reste le premier investisseur

Aujourd’hui, la Birmanie reste essentiellement liée à la Chine, premier investisseur en stocks d’investissements dans le pays. Pékin n’a pas condamné le putsch militaire et l’a appuyé lors du Conseil des droits de l’homme de l’ONU aux côtés de Moscou, en le qualifiant d’ “affaire interne”.

La Chine a tout intérêt à conserver de bonnes relations avec son voisin, qui fait partie des nouvelles routes de la soie avec de nombreux projets d’infrastructures. Pékin a pour objectif de créer un couloir économique, le “China Myanmar Economic Corridor”, ouvrant un accès direct à l’océan indien.

L’ONG Human Right Watch demande des sanctions ciblées et un embargo sur les armes suite à la violente répression du 3 mars

La Birmanie fournit également d’importantes ressources naturelles comme le gaz, le bois et le jade. La Chine devrait donc continuer à appuyer le régime militaire. Il est même possible que ce coup d’Etat soit une bonne nouvelle pour Pékin en coupant la Birmanie de soutiens occidentaux, renforçant donc sa dépendance à la Chine. 

Mais la Chine n’est pas le seul partenaire important de la Birmanie. Ses voisins d’Asie du Sud-Est, comme la Thaïlande ou Singapour, représentent une grande partie de ses investissements étrangers.

Le réveil politique de l’Asean

Surtout, la Birmanie fait partie de l’ASEAN depuis 1997. L’ASEAN repose sur un principe de non-ingérence entre les membres, mais il est intéressant de voir qu’elle semble cette fois mobilisée contre le coup d’Etat birman. Le 2 mars, l’ASEAN a appelé la junte au pouvoir à libérer Aung San Suu Kyi et à arrêter la répression des manifestations.

Les dirigeants de plusieurs pays dont l’Indonésie, Singapour et la Thaïlande ont également fait des déclarations en ce sens. Signe de l’importance de ces partenaires, c’est à Bangkok qu’a eu lieu le 24 février la première rencontre entre le ministre des affaires étrangères birman et les représentants de gouvernements étrangers, thaïlandais et indonésiens.

Le représentant thaïlandais avait alors appelé à une résolution pacifique de la situation. Mais il semble improbable que l’ASEAN prenne des sanctions réellement restrictives contre le pays, car les décisions du groupe doivent être prises à l’unanimité.

L’Inde est également un partenaire intéressant de la Birmanie. New Dehli souhaite développer ses relations avec l’Asie du Sud-Est et la Birmanie est le point de contact reliant les deux régions. L’Inde a ainsi lancé plusieurs projets d’infrastructures, dont le « Kaladan », un projet de transports reliant les deux pays et pouvant s’étendre jusqu’au Cambodge. L’Inde a ainsi condamné le coup d’État de manière modérée et il semble contraire à ses intérêts d’aller plus loin.

L’influence de l’Occident et ses sanctions semblent donc relativement faibles en comparaison des liens étroits que la Birmanie a noué avec ses voisins.

Le retrait de certaines entreprises occidentales, possiblement refroidies par les évènements, pourrait être dommageable pour l’économie birmane, mais le pays pourrait renforcer ses partenariats existants pour compenser.

La situation reste à suivre, en particulier du côté de l’ASEAN qui semble tenter d’influencer la junte de manière diplomatique.