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L’Inde échangera-t-elle l’Est contre l’Ouest ?

Auteur : Debashis Chakraborty, Institut indien du commerce extérieur.

Après avoir poursuivi une politique active d’accords commerciaux régionaux (ACR) depuis 2005, l’Inde a changé de cap en novembre 2019. Ayant participé aux négociations du Partenariat économique régional global (RCEP) depuis 2013, dans le but d’élever son intégration économique régionale, l’Inde a décidé de ne pas signer l’accord.

Des ouvriers indiens poussent une fourgonnette chargée de marchandises sur le pont Howrah, Kolkata, Inde, 5 avril 2022. (Photo : Reuters/Debajyoti Chakraborty).

Cela est intervenu après que l’Inde a adhéré à un certain nombre d’accords commerciaux couvrant l’Asie de l’Est et du Sud-Est, en particulier depuis 2010-2011, pour la promotion du commerce et des investissements. Le RCEP semblait s’aligner sur la stratégie d’engagement à long terme de l’Inde et sur sa volonté d’intégrer l’économie régionale aux chaînes de valeur régionales. Mais la décision de se retirer des négociations du RCEP a cité des conflits potentiels avec les intérêts économiques et les priorités nationales.

La décision de l’Inde a été largement influencée par ses balances commerciales. De 2011 à 2015, le déficit commercial moyen de l’Inde avec les membres du RCEP s’élevait à 38,75 milliards de dollars. Ce montant est passé à 44,03 milliards de dollars américains entre 2016 et 2019. Au cours de la même période, le déficit commercial de l’Inde avec l’ANASE est passé de 4,55 milliards de dollars EU à 5,12 milliards de dollars EU. Le moteur le plus crucial de la décision du RCEP était le déficit commercial croissant avec la Chine, qui était passé de 22,95 milliards de dollars à 25,13 milliards de dollars.

Entre autres facteurs, la modeste participation de l’Inde à plusieurs chaînes de valeur manufacturières avec des partenaires du RCEP, en particulier les pays développés, est restée un sujet de préoccupation majeur. Compte tenu de l’importance politique et économique des secteurs primaires, les inquiétudes suscitées par une augmentation des importations en provenance des pays développés – comme les importations de produits laitiers australiens et néo-zélandais – ont forcé la main des décideurs.

La dépendance croissante vis-à-vis des importations chinoises, même sans ACR, a également été considérée avec prudence. La perception de l’Inde selon laquelle la participation au RCEP est une menace pour ses intérêts économiques provient à la fois des partenaires ACR existants, tels que l’ANASE, et de non-partenaires comme la Chine. La croissance des importations entre en conflit avec la politique « Make in India » lancée en 2014, dont l’un des principaux objectifs est de relancer le secteur manufacturier national.

Les enquêtes antidumping répétées lancées par l’Inde contre la Chine ont également suscité des inquiétudes quant aux pratiques commerciales déloyales de la Chine. Et depuis la crise de la vallée de Galwan, la méfiance entre les deux pays s’est accrue, avec des ramifications importantes pour la coopération économique. Depuis 2020, l’Inde a interdit de nombreuses applications chinoises et a exploré les options possibles pour réduire la dépendance aux importations. Malgré ces mesures, le déficit commercial bilatéral de l’Inde avec la Chine a augmenté pour atteindre 46,55 milliards de dollars au cours des neuf premiers mois de 2021, contre 29,86 milliards de dollars au cours de la même période de 2020.

Mais alors que l’Inde a rejeté le RCEP en tant que bloc, elle peut continuer à embrasser des membres individuels du RCEP – tels que l’ANASE, le Japon et la Corée du Sud – et d’autres partenaires grâce aux relations bilatérales existantes. Il peut également évoluer vers une expansion progressive des relations RTA.

L’annonce de la décision de l’Inde de se retirer du RCEP a également évoqué la possibilité de conclure des ACR avec l’Union européenne et les États-Unis. Depuis 2019, l’Inde tente de relancer les négociations avec l’Union européenne et un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni est en discussion. Bien que la nécessité d’engager des négociations sur les ACR avec les États-Unis ait été discutée, elles n’ont pas encore été lancées.

Les RTA indocentriques dans la période de retrait post RCEP sont indicatifs. L’Inde a conclu l’accord de partenariat et de coopération économique global Inde-Maurice en avril 2021. Les négociations de l’accord commercial bilatéral Inde-Émirats arabes unis se sont également conclues par un traité commercial global signé en février 2022, avec des avantages attendus pour les secteurs manufacturiers de moyenne technologie tels que vêtements et bijoux. Un accord commercial intérimaire avec l’Australie devrait être conclu d’ici la fin de 2022, ce qui ouvrira la voie à un accord commercial global. Les négociations avec l’Australie ont été prioritaires compte tenu de son importance pour la sécurité énergétique de l’Inde. Pendant ce temps, l’engagement croissant de l’Inde avec le Quad (Australie, Japon et États-Unis) peut être considéré comme une tentative d’améliorer la résilience de sa chaîne d’approvisionnement.

Pourtant, l’Inde a adopté une approche prudente dans son voyage RTA avec l’Occident, avec sa stratégie «Look West» largement guidée par des considérations stratégiques. Par rapport à l’Union européenne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, l’Inde bénéficie d’un avantage crucial en matière de coût du travail. Alors que l’Inde anticipe une augmentation des exportations de services d’une part et une croissance des investissements étrangers d’autre part, l’imposition de normes strictes sur les produits et les processus pourrait supprimer certains de ces avantages en termes de coûts. L’Union européenne a déjà lancé un processus visant à renforcer ses politiques environnementales et liées au travail, avec de profondes implications commerciales pour les acteurs indiens.

Ces préoccupations non commerciales peuvent faire partie des accords de l’Inde avec l’Union européenne et…

Source : East Asia Forum


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