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L’Asie du sud-est attire davantage les investisseurs chinois

Les Chinois sont de plus en plus enclins aux délocalisations en Asie du sud-est. Les raisons : coûts élevés, passage à un nouveau stade d’industrialisation.

Les échanges entre les dix Etats de l’Asean et la Chine ont atteint, en 2011, 362 milliards de dollars, soit une augmentation de 24% par rapport à 2010. Au sein de l’Association des nations de l’Asie du sud-est, les principaux partenaires de Pékin sont Singapour, la Malaisie et la Thaïlande. «Les investisseurs chinois affichent une tendance croissante à établir leurs bases de production dans l’Asean», a déclaré au Bangkok Post le représentant à Guangzhou (Canton) du Bureau thaïlandais des investissements.

L’une des raisons de ce transfert,- plus sensible «depuis quelques mois» selon le quotidien de Bangkok -, est l’établissement progressif d’une zone de libre-échange entre la Chine et l’Asean : les exportations de l’Asean vers la Chine ne sont pratiquement plus taxées (0,1%) alors qu’elles l’étaient auparavant à hauteur de 9,8%. Une autre raison est l’augmentation constante des coûts de la main d’œuvre et de la production en Chine dont la compétitivité est en baisse par rapport à certains de ses voisins du sud, selon un récent rapport de la Cnuced (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement).

En juillet dernier, le géant Adidas a annoncé la fermeture de sa seule fabrique à Jiangsu et son intention de la transférer au Myanmar (Birmanie). Un autre géant, Nike, avait amorcé le mouvement plus tôt : dès 2010, le Vietnam a remplacé la Chine comme premier producteur de chaussures Nike. Si Guandong reste le principal producteur mondial de pièces d’ordinateur, plusieurs usines dans le secteur de l’électronique ont déjà déménagé en Asie du sud-est, aurait annoncé récemment la Chambre de commerce de Guangdong, selon le Bangkok Post.

La Cnuced a également estimé à 117 milliards de dollars les investissements étrangers dans la zone Asean en 2011, soit une augmentation de 26%, alors que les investissements étrangers en Chine n’augmentaient que de 8% seulement. Les transferts d’usines de production en Asie du sud-est sont inévitables, a déclaré un chercheur chinois, car la Chine a atteint une nouveau stade de son industrialisation.

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Indonésie : une Chine bruyante dans les hôtels de Bali

Les touristes chinois passent pour ne pas être particulièrement discrets. Bali en souffre car ils sont de plus en plus nombreux. Mais les recettes enflent.

Le nombre des visiteurs chinois à Bali, en Indonésie, a augmenté de 53% pendant le premier semestre de 2012 par rapport à la période équivalente de 2011. La Chine est ainsi devenue la deuxième source de touristes étrangers à Bali après l’Australie. Et les Chinois pèsent donc dans les recettes de l’île. Mais ils sont bruyants : ils parlent fort, s’interpellent de loin, chantent à table (l’alcool aidant), bousculent parfois les gens et font fuir le client, du moins celui qui recherche le calme des couchers de soleil sur des rivages de l’île des Dieux et non la cacophonie des boites de nuit ou des magasins de souvenir de Kuta.

Ce dilemme est réel dans d’autres circuits touristiques : au Cambodge, à Siem Reap, la ville des temples d’Angkor, les groupes de touristes chinois ont une réputation identique. L’ensemble de l’Asie du Sud-Est doit s’accommoder de ces nouveaux visiteurs venus du nord, de plus en plus fortunés. Ils font partie de ces échanges qui se sont multipliés avec l’ancien Empire du milieu au fil des dernières décennies.  Le Washington Post rappelle que depuis la visite en Indonésie du président chinois Hu Jintao, voilà sept ans, le commerce entre les deux pays a quadruplé, à telle enseigne que la Chine est devenue le deuxième partenaire commercial de l’Indonésie après le Japon.

Une dégringolade du taux d’expansion de l’économie chinoise ramènerait sans doute un peu de calme dans certains hôtels de Bali. Mais ce n’est pas encore le cas : de 9,2% en 2011, le taux de croissance chinois devrait être proche de 7,5% en 2012, ce qui demeure solide. Les touristes chinois ne semblent pas, pour le moment, pâtir de ce ralentissement et les recettes de Bali devraient continuer d’enfler. Dans le bruit.

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Société Viêtnam

Dans le delta du Mékong, l’inspiration d’un héros d’autrefois

Rach Gia, port vietnamien sur le golfe du Siam. Chaque année, des centaines de milliers de pèlerins s’y retrouvent pour honorer un héros du XIX° siècle.

Les Vietnamiens vivent au présent. A Rach Gia, donc à l’extrémité méridionale d’un Vietnam en forme de ‘S’, les affaires vont bon train. Un quartier se construit sur un terrain gagné sur la mer. Commerce, contrebande parfois, la ville semble prospère. Cela ne l’empêche pas de baigner également dans une atmosphère de croyances profondément ancrées, que l’on retrouve partout dans le delta du Mékong.

Sur la presqu’île urbanisée, située entre les deux bras de la rivière Cai Lon, donc au centre de la ville, se trouve une bâtisse de la fin du XIX° siècle, sans étage et qui ne paie pas de mine. L’architecture néocoloniale s’est enrichie de boiseries. Récemment restauré, c’est le musée de la ville, un coin charmant avec sa petite cour qui se prolonge sous de grands arbres à l’ombre desquels sont installées tables et chaises. Il offre, comme le font toujours les petits musées de province, un aperçu de l’histoire locale.

Une rangée de chausse-trappes, toutes différentes, rappelle les moyens auxquels avaient recours les Vietcongs pendant la guerre. Une photo d’un Américain encerclé par des civils excités rappelle que la région a également eu ses prisonniers : en l’occurrence, selon la légende du cliché, un certain Johnson, « conseiller » capturé en 1964. Les héros locaux de la résistance sont l’objet d’autres clichés, dont certains jaunis.

Une place est réservée aux résultats des excavations d’Oc Eo, amorcées en 1982, même si la plupart des découvertes se retrouvent dans deux musées à Hô-Chi-Minh-Ville, un autre à Hanoï et le quatrième à Long Xuyên. Oc Eo a été un centre commercial entre les Ier et VI° siècles, quand l’empire du Founan englobait le delta du Mékong. On y a même retrouvé de la monnaie romaine et des tombes sur lesquelles était gravé un alphabet ancien.

Enfin, des photos plus récentes y montrent les foules rassemblées à Rach Gia à la fin du huitième mois de l’année lunaire, pour y vénérer Nguyên Trung Truc (1838-1868). Ce dernier est un personnage de légende dans la région. A la tête d’une petite troupe, il coule le 10 février 1861 un petit navire français, l’ « Espérance », qui a remonté le Mékong, entre Long Xuyên et Chau Dôc. Son deuxième exploit est l’incendie du camp militaire français de Rach Gia en 1868. Sa famille ayant été prise en otage par les Français, il se rend. Emmené à Saïgon pour y être jugé et condamné à mort, il est ramené à Rach Gia pour y être décapité en octobre 1868 sur la place publique, à l’âge de trente ans.

 Une mort sacrificielle

Le bourreau, dit-on, s’y est repris à plusieurs fois et la légende veut que les bras et le corps se redressèrent, «signes de force spirituelle» aux yeux de certains. «Une mort sacrificielle», estime Pascal Bourdeaux, spécialiste de cette société deltaïque, en ajoutant : «la consécration populaire donnait ainsi à ce culte naissant ses deux premières dimensions morales et rituelles : le souvenir d’un héros populaire mort pour la survie de sa famille et pour la défense de la terre des ancêtres».

Nguyên Trung Truc,- «Nguyên le franc et loyal» -, fait aujourd’hui l’objet d’un culte que les autorités ne découragent pas car il est l’une des figures de la résistance anti-française au XIX° siècle. Une imposante statue de Truc trône en plein centre ville. Chaque année, des centaines de milliers de gens venus de tout le delta du Mékong se réunissent à Rach Gia le jour anniversaire de sa mort. Ils envahissent les alentours du petit jardin où se trouve un dinh (petit temple) et la tombe de Truc, creusée au pied d’un banyan.

Le rendez-vous est fréquenté, en majorité, par des pèlerins qui se réclament de différentes communautés ou sectes pratiquant un bouddhisme populaire : le culte de la « Montagne sacrée au parfum étrange » (Buu Son Ky Huong), qui date du milieu du XIX° siècle ;  le Tu Ân Hiêu Nghia (fin XIX° siècle) ; les Hoa Hao (première moitié du XX° siècle). Le culte de Truc transcende celui du résistant, du patriote, du héros, du martyr : il s’agit de «la vénération d’un esprit prédisposé à devenir un génie tutélaire», estime Pascal Bourdeaux.

Né d’un assemblage de communes et de villages, Rach Gia est aujourd’hui une ville qui respire grâce à ses larges avenues. Les marchés y regorgent des produits d’un trafic maritime important. L’agglomération bénéficie aussi de retombées financières venus de l’étranger : beaucoup de monde a pris le bateau en 1975 et les Viêt Kiêu, les Vietnamiens d’outre mer, qui se sont enrichis depuis, arrosent la ville par l’intermédiaire de parents demeurés sur place. Sur la mer, un quartier neuf, surtout résidentiel, se construit dans les normes : rues, trottoirs, égouts, électricité, se mettent en place avant les habitations.

Caché dans une rue peu passante, un petit temple chinois est dédié à Ông Bôn, dont la statue de ciment doré se trouve à l’intérieur. Elle a été offerte par des Viêt Kiêu des Etats-Unis, dit l’administrateur du temple. Ông Bôn, dit-il, est le pendant urbain deÔng Pho Dia, le Dieu du sol, divinité campagnarde. «Les gens viennent prier pour obtenir bonne chance et succès financier», ajoute-t-il.

Ce temple a été construit par des Chinois originaires du Fu-Kiên. Sur des peintures murales, les tigres sont omniprésents. Celui représenté sur un bas relief de l’autel de Ông Bôn «ne peut pas être photographié», dit l’administrateur. «La photo ne sort pas», explique-t-il. Dans la cour du temple se dresse une grande statue de la «déesse» Quan Am Thi Kinh,- «une protection contre le mauvais sort», dit l’administrateur. Le temple est noir de monde le lendemain du Nouvel an sino-vietnamien, quand les Chinois viennent émettre des vœux devant leur divinité.

 Pagodes et croyances

Beaucoup plus impressionnante est la pagode Pho Minh, avec ses grandes salles en kitch et ses deux bâtiments restaurés. Le bonze principal, qui affiche la quarantaine, est à la tête d’une escouade de quarante-deux bonzillons au crâne rasé, à l’exception d’une longue mèche. Vêtus de robe grise ou marron, ces bonzillons fréquentent l’école publique. «Ce ne sont pas des enfants de familles pauvres», affirme le bonze mais des «élèves bonzes», qui ont donc une vocation religieuse. La pagode se réclame du rite zen. «Comme à Huê», dit le bonze, en référence à l’ancienne capitale impériale du Vietnam.

Plus ancienne – elle aurait été fondée il y a deux cents ans et restaurée en 1913 -,  la pagode Tam Bao offre un mélange assez étonnant d’apports. Des animaux sculptés dans des arbres – dragons, daims… – en agrémentent le jardin. La déesse Quan Âm trône, comme d’habitude, sur un plan de fleurs de lotus. A l’intérieur, des bougies de plus de quatre mètres de hauteur viennent de Thaïlande. Un bouddha bien rondouillard est d’inspiration chinoise. On y voit aussi des boddhitsava aux bras multiples et une «relique» du bouddha. Elle est également dédiée à Su To Dat Ma, le premier disciple du bouddha parti d’Inde pour enseigner la religion en Chine. Zen et Mahayana semblent les principales inspirations. Kim Cang, gardien protecteur à l’allure féroce, interdit aux dieux la sortie de la salle où reposent stèles et photos de disparus vénérés.

Jean-Claude Pomonti