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Le Cambodge et la Chine après Sihanouk : le beau fixe

La disparition de Norodom Sihanouk, grand protégé de la Chine, ne changera rien aux relations entre Pékin et Phnom Penh. Elles sont au beau fixe et le resteront.

En 1970 se nouent des relations privilégiées entre Sihanouk et la Chine. Après sa destitution,- il est alors chef de l’Etat et le trône du Cambodge est vacant -, le prince n’hésite pas longtemps à quitter la France, où il est de passage, pour gagner Pékin via Moscou. De la capitale chinoise, où il est accueilli les bras ouverts et où un palais est mis à sa disposition (il y résidait encore lors de son décès, 42 ans plus tard), il appelle frénétiquement à la résistance contre Lon Nol qui proclame assez rapidement une République khmère portée à bout de bras par Washington.

Dans les pagodes du Cambodge rural, les bonzes branchent sur haut-parleur radio Pékin à l’heure des dithyrambes du demi-dieu qui appelle à marcher sur Phnom Penh. Ils seront massacrés. Sihanouk accepte également de parrainer une alliance lâche entre les partisans de la monarchie abolie et ses ennemis jurés, les Khmers rouges.

La suite est connue : décidés à mettre fin à l’impasse américaine sur le régime communiste chinois, Richard Nixon et Henry Kissinger négocient le retrait du corps expéditionnaire américain du Vietnam. Les Khmers rouges s’installent à Phnom Penh le 17 avril 1975, moins de deux semaines avant la chute de Saigon entre les mains des communistes. Sihanouk commet alors une erreur de jugement en regagnant Phnom Penh : Pol Pot ne veut pas de lui et le laisse croupir dans son palais au milieu d’une capitale vide et fermée.

Entre-temps, le divorce est vite consommé entre Hanoi et Phnom Penh, avec les incessantes incursions frontalières des Khmers rouges, qui veulent récupérer le delta du Mékong. Les communistes vietnamiens s’inquiètent également et tardivement des activités chinoises au Cambodge, notamment de la construction discrète d’une immense piste d’aviation à Kompong Chhnang. Ils réagissent en occupant le pays. Mais ils ne parviennent pas à saisir Sihanouk qui, évacué à temps par les Chinois, a retrouvé son palais à Pékin.

Ulcéré par ce qu’il a jugé comme un écart de l’ancien vassal vietnamien, Deng Xiaoping a entendu lui donner une leçon, avec une attaque ponctuelle en janvier 1979 sur la frontière terrestre avec le Vietnam, opération qui n’a été, au mieux, qu’un demi-succès. Avec l’appui de Moscou, le corps expéditionnaire vietnamien au Cambodge a mis en place un nouveau régime, le seul gouvernement cambodgien à l’égard duquel l’hostilité de Pékin a été totale. Mais quand les troupes vietnamiennes ont évacué le Cambodge, permettant ainsi l’aval par la Chine de la négociation de l’accord de paix signé à Paris en octobre 1991, Pékin a progressivement changé d’attitude.

La réconciliation officielle entre les autorités chinoises et Hun Sen en février 1999, à l’occasion d’une visite du premier ministre cambodgien à Pékin, est intervenue à la suite d’une série d’évènements : le renoncement de Sihanouk à se faire entendre par Hun Sen ; l’échec du mouvement royaliste aux élections de 1998 ; la mort de Pol Pot et le ralliement des  derniers rebelles khmers rouges la même année.

Depuis cette date, et surtout depuis que Sihanouk a renoncé à toute influence en abdiquant une deuxième fois en 2004, le Cambodge a retrouvé son rôle traditionnel de tremplin chinois en Asie du sud-est. Pour Phnom Penh, la présence chinoise de plus en plus importante au Cambodge (investissements, aide) est une garantie face aux deux grands voisins, la Thaïlande et le Vietnam. Les relations entre Pékin et Phnom Penh sont au beau fixe et le resteront.

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L’Asie sollicitée pour le procès khmer rouge

Un représentant des Nations unies tente d’obtenir des contributions des pays asiatiques pour financer le Tribunal khmer rouge, lequel est au bord de la banqueroute.

David Scheffer, l’expert auprès du secrétaire-général des Nations unies pour le Tribunal à caractère international chargé de juger les crimes des Khmers rouges essaie d’obtenir des contributions financières de nations asiatiques, hors Japon, pour pouvoir combler le déficit budgétaire béant du tribunal. A elle seule, la contribution du Japon représente plus de 50 % du budget (120 millions d’euros jusqu’à présent) du procès khmer rouge qui se tient près de Phnom Penh, au Cambodge. Toutefois, à la suite de la catastrophe de Fukushima, en mars 2011, Tokyo a dû ralentir fortement son effort. Les autres donateurs traditionnels – France, Australie, Etats-Unis, pays scandinaves, Royaume-Uni – n’ont pas comblé le vide. Et les autres nations asiatiques ne se sont guère bousculées au portillon des donations depuis le début du procès en 2009.

Lors d’une présentation le 15 août au Club des correspondants étrangers en Thaïlande (FCCT), David Scheffer a indiqué qu’il était en négociation avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) et la Corée du Sud pour obtenir davantage d’argent. « Le principe de non-ingérence au sein de l’Asean commence à s’affaiblir. L’Indonésie paraît être le pays membre le plus intéressé », a affirmé l’expert onusien. Peu d’espoir en revanche du côté de la Chine, laquelle, selon David Scheffer, « n’a jamais montré le moindre intérêt pour l’établissement du tribunal durant les négociations ». « Sans doute, Pékin n’est-il pas intéressé par des témoignages devant un tribunal qui pourraient mettre en lumière les relations, à l’époque, entre le gouvernement chinois et le régime de Pol Pot », a-t-il ajouté.

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Le procès des Khmers rouges s’enlise au Cambodge

Problèmes de financement, changements de personnel, santé déficiente des accusés… le procès des leaders Khmers rouges pourrait connaître une fin prématurée.

L’idée d’un «grand procès» qui permettrait à la fois de rendre la justice et de faire la lumière sur la période khmère rouge s’est évanouie dans bien des esprits. Changements incessants d’avocats, de procureurs et de juges, vieillissement des trois ex-leaders khmers rouges en train d’être jugés (l’ex-numéro deux du régime Nuon Chea a 86 ans, l’ancien chef de la diplomatie Ieng Sary également et l’ex-chef d’Etat Khieu Samphan 81 ans), lassitude des pays donateurs, ingérences du gouvernement du Cambodge: la crise qui menaçait depuis longtemps se fait de plus en plus précise, à tel point que nombreux sont les observateurs estimant que la procédure n’ira pas plus loin que le procès actuellement en cours. Le «cas numéro deux» qui concerne les trois anciens leaders cités plus haut a été scindé par les juges en une série de mini-procès dont le premier, en cours, porte sur l’évacuation forcée de Phnom Penh ordonnée par les Khmers rouges le 17 avril 1975. Si le procès s’en tient à cet événement, cela signifie que les innombrables exécutions, séances de tortures et autres crimes commis au cours ou immédiatement après l’évacuation ne seront jamais jugés.

L’hospitalisation durant cinq jours d’Ieng Sary en mai pour cause de bronchite a souligné l’état de santé déclinant des accusés, parmi lesquels Khieu Samphan paraît être le plus vaillant. L’administration du tribunal est aussi frappée par une pénurie de fonds, due aux réticences de plus en plus fortes des pays donateurs à financer un procès dont la crédibilité semble sujette à caution à cause des nombreuses ingérences du gouvernement cambodgien. Il manque 22 millions de dollars (17,6 millions d’euros) pour l’année 2012. Le 21 juin, le procès sur l’évacuation de Phnom Penh, qui en était à sa 78ème journée, a été ajourné pour un mois. Un seul accusé a été jugé jusqu’à présent, l’ancien chef du centre de torture S-21 Kang Khek Ieu alias Duch, condamné en février dernier à la prison à perpétuité.