Ceux qui ont porté le poids de l’espérance

Qu’y a-t-il de commun entre l’Etat du Timor Leste, indépendant depuis 2002, et la province indonésienne d’Atjeh, autonome depuis 2005 ? Beaucoup.

Qu’y a-t-il de commun entre l’Etat du Timor Leste, indépendant depuis 2002, et la province indonésienne d’Atjeh, autonome depuis 2005 ? Beaucoup.

Des élections viennent d’avoir lieu dans les deux territoires. Au Timor Leste ou Timor Oriental, un troisième président a été élu le 16 avril, de son nom de guerre Taur Matan Rauk, un ancien chef de guérilla. A Atjeh, c’est un ancien ministre des affaires étrangères d’un gouvernement en exil, Zaini Abdullah, qui a été élu gouverneur le 16 avril. Il appartenait au GAM, une guérilla indépendantiste.

Colonisés par le Portugal, les Timorais de l’est, 1,2 million d’individus aujourd’hui, ont été victimes d’une occupation militaire brutale de l’Indonésie de 1975 à 1999 (200.000 morts à la fin des années 70 ; aucun moyen de s’en débarrasser tant que Suharto était au pouvoir en dépit du fait que l’ONU n’a jamais reconnu cette annexion).

Les relations entre Atjeh, près de cinq millions d’habitants en 2012, et l’Indonésie sont plus ambigües. Si le GAM, créé en 1979, a été une guérilla indépendantiste, les Atjehnais ont surtout lutté contre «l’impérialisme javanais» (les Javanais forment près des deux tiers de la population indonésienne) et ont finalement accepté, après la catastrophe du tsunami de 2004, un compromis avec Jakarta qui leur accordait une large autonomie, laquelle n’est pas entièrement respectée.

Que les premières autorités élues des deux territoires soient issues des mouvements de résistance est dans la logique des choses, qu’il s’agisse d’anciens guérilleros ou d’anciens exilés. Ils ont été porteurs de l’espérance. José Ramos-Horta (président de 2007 à 2012, réfugié en Australie) a été la voix du Timor Oriental lors de l’occupation indonésienne. Zaini Abdullah a été, de son côté, le ministre des affaires étrangères d’un gouvernement atjehnais en exil et, à ce titre, a négocié l’accord d’Helsinki du 15 août 2005 avec le gouvernement indonésien. Depuis, le premier gouverneur d’Atjeh, Irwandi Yusuf, élu en 2006, a également été un membre du GAM (jeté en prison en 2003, il a pu s’en échapper lors du tsunami).

Toutefois, comme l’a dit et répété Xanana Gusmao, héros de la résistance timoraise, les anciens résistants font rarement de bons gestionnaires. Ainsi expliquait-il, voilà plus de dix ans, ses réticences à l’égard de toute fonction publique, ce qui ne l’a pas empêché d’être président (2002-2007) et d’être encore aujourd’hui chef du gouvernement. Mais, quand une élite est si restreinte, comment faire autrement ?

Les deux territoires regorgent de richesses. Dans le cas d’Atjeh, les bénéfices de leur exploitation ont abouti, jusqu’en 2005 au moins, dans les poches de Jakartanais et de multinationales. Au Timor Oriental, les gens n’ont rien vu venir jusqu’aux premiers deniers rapportés par les hydrocarbures après l’indépendance. Les populations sont pauvres – et même très pauvres dans le cas des Timorais. En outre, des décennies de sacrifices n’empêchent pas, la paix revenue, les divisions de refleurir et la corruption officielle de reprendre ses aises et les silhouettes des porteurs d’espérance de s’estomper.

Jean-Claude Pomonti