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Vietnam : une diplomatie multipolaire, Russie comprise

En contrepoids à la puissance de son voisin chinois, le Vietnam a opté pour la multipolarité. Cette stratégie rend une place à la Russie de Vladimir Poutine.

Quelques mois après sa réélection, Poutine a accueilli, début septembre à Vladivostok, le sommet annuel de l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation) et en a profité pour rappeler que la Russie tenait à son rôle de premier plan en Asie-Pacifique. De son côté, le Vietnam a commencé à se réarmer face à la montée en puissance de la Chine, notamment en Mer de Chine du Sud. Il s’est donc adressé à Moscou, son pourvoyeur d’armes pendant la Guerre froide. En outre, la diplomatie multipolaire de Hanoï est freinée parce que la négociation d’un «partenariat stratégique» avec Washington traine en longueur.

Universitaire américain enseignant à Canberra et considéré comme un observateur averti du Vietnam, Carlyle Thayer estime que le «partenariat stratégique compréhensif», signé, le 27 juillet à Sotchi par Poutine et son homologue vietnamien Truong Tan Sang, s’appuie sur «quatre composantes majeures et de longue date» qui sont : «le pétrole et le gaz ; la coopération énergétique dans le domaine de l’hydroélectricité et du nucléaire ; l’équipement et la technologie militaire ; le commerce et l’investissement». Dans une analyse publiée sur le site d’East Asia Forum, Thayer ajoute trois domaines qu’il juge «importants» : «la science et la technologie ; l’enseignement et la formation ; la culture et le tourisme».

La Russie est ainsi devenue «le premier pourvoyeur d’armes, d’équipement et de technologie» du Vietnam. Les deux pays vont coproduire des missiles de croisière. Le Vietnam devrait commander davantage d’avions d’attaque Sukhoi Su-30. En août dernier, la Russie a lancé le premier des six sous-marins de la classe Kilo commandés par le Vietnam et qui seront livrés d’ici à 2015. Pour procéder à la maintenance du matériel et à la formation des équipages vietnamiens des sous-marins, les Russes auront accès au complexe aéroportuaire de Cam Ranh, aménagé par les Américains et où les Soviétiques se sont installés de 1978 à 2003.

Concernant le pétrole, le gaz et l’énergie, les Russes ont hérité d’une société d’économie mixte formée par les Soviétiques en 1981 : Vietsovpetro est devenue Rusvietpetro. Moscou a également accordé à Hanoï un crédit de près de 8 milliards d’€, dans des conditions avantageuses, pour construire sa premier centrale nucléaire (Ninh Thuan 1).

La Russie est devenue, en 2001, le premier partenaire stratégique du Vietnam . Que «leurs relations bilatérales se soient développées progressivement jusqu’au niveau de partenaires stratégiques compréhensifs est un développement naturel», estime Thayer. Toutefois, après 2001, Hanoï a passé des accords de partenariat stratégique avec plusieurs Etats : «Japon, Inde, Chine, Corée du Sud, Espagne, Royaume-Uni, Allemagne». Surtout, le Vietnam a attendu d’avoir signé, en 2009, un accord de partenariat compréhensif avec son puissant et redouté voisin chinois pour en faire autant avec Moscou.

Ces développements annoncent des manœuvres serrées et délicates. Pour les Russes, Pékin et Hanoï sont de gros clients dans le domaine de l’armement. Mais les Chinois doivent voir d’un mauvais œil Moscou renforcer «les capacités de défense du Vietnam et lui permettre de développer sa propre version de l’interdiction de l’accès à l’archipel des Spratleys», où les deux Etats disposent actuellement de bases (avec la Malaisie et Taïwan, deux autres pays riverains).

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Asie Chine Indonésie

L’Apec et le (re)tour de Vladimir Poutine

La Russie se tourne vers l’Est : tel est le message de Vladimir Poutine à l’occasion d’un sommet de l’Apec dont il vient d’être l’hôte à Vladivostok.

Quelques mois après avoir retrouvé le Kremlin et un mois après l’adhésion de la Russie à l’OMC, Vladimir Poutine a fait sa rentrée asiatique en accueillant à Vladivostok le gratin de l’Asie-Pacifique. Seul manquait à l’appel Barack Obama, retenu par sa campagne pour un deuxième mandat présidentiel. Rentrée russe qui n’a pas manqué d’allure : un centre de conférence futuriste sur l’île Russki désormais rattachée à Vladivostok par un spectaculaire pont d’un coût de près d’un milliard d’€. Poutine en a profité pour présenter son pays comme l’intermédiaire évident entre l’Asie et les marchés européens.

L’Apec (Asia-Pacific Economic Cooperation) est un forum commercial de 21 Etats ou entités (Hong Kong et Taiwan en font partie) créé en 1989 à l’initiative de l’Australie. Son sommet annuel présente l’avantage de réunir les principaux dirigeants d’une région de plus en plus influente, qui abrite les deux cinquièmes de l’humanité, 54% de l’économie mondiale et 44% du commerce international. A l’issue de 48 heures d’échanges et de réunions, le premier ministre néo-zélandais John Key a résumé le sentiment général en estimant que «l’économie mondiale est encore fragile» mais que la «confiance» l’emporte en ce qui concerne la possibilité de traverser la crise et d’en sortir.

Alors que ce sommet a souligné le virage de la Russie en direction de l’Asie, peu de temps après celui  des Etats-Unis, le président Susilo Bambang Yudhoyono en a profité pour lancer un appel à investir dans les projets d’infrastructure en Indonésie, lesquels représenteront la bagatelle de 400 milliards d’€ de fonds publics et privés d’ici à 2025. L’Indonésie assurera la présidence tournante de l’Asean en 2013 et accueillera à Bali le prochain sommet de l’Apec. Ce sera ensuite le tour de la Chine (2014), puis des Philippines (2015).

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Analyse Asie Politique Viêtnam

Vietnam : relance de la coopération militaire avec Moscou

Le Vietnam a annoncé que la Russie sera autorisée à créer un «point d’approvisionnement matériel et technique» à Cam Ranh.

Le président du Vietnam, Truong Tan Sang, a également déclaré à la Voix de la Russie que cette décision «devrait aider à promouvoir la coopération militaire» entre les deux pays tout en précisant  que les installations aéroportuaires de la baie de Cam Ranh ne pourraient pas être utilisées à des fins militaires. Il a tenu ces propos en Russie, où il se trouve en visite officielle du 26 au 30 juillet et où il rencontre le président Vladimir Poutine à Sotchi, sur la Mer Noire.

Cam Ranh avait été l’une des grandes bases militaires américaines au Vietnam du Sud entre 1965 et 1973. Fin 1978, peu avant l’intervention militaire du Vietnam au Cambodge, Hanoï avait assuré ses arrières en signant avec l’Union soviétique un traité de coopération et d’amitié de vingt-cinq ans dont l’une des clauses secrètes aurait été l’utilisation de Cam Ranh par l’Union soviétique. Les derniers éléments militaires russes ont, effectivement, évacué Cam Ranh entre 2001 et 2003, soit une douzaine d’années après la dissolution de l’URSS.

La coopération militaire avec la Russie s’est poursuivie ces deux dernières décennies, mais de façon moins régulière. Toutefois, le Vietnam continue d’acheter des armes russes. Entre 2013 et 2018, la Russie doit livrer six sous-marins – un par an – au Vietnam. Il s’agit de submersibles du Projet 636M Kilo, qui seraient équipés de missiles Club-S. La coopération entre les chantiers navals des deux pays se poursuit également. Zvezdotchka – les chantiers navals russes – étudient la possibilité de participer à la reconstruction des chantiers navals de Cam Ranh. En outre, deux corvettes destinées à la marine de guerre vietnamienne ont été récemment mises à l’eau en Russie.

De son côté, la marine russe, qui ne dispose plus que d’une base à l’étranger (Tartous, en Syrie), cherche des points d’appui à l’extérieur du territoire russe, notamment à Cuba, aux Seychelles et au Vietnam. Mais, au moment où la tension monte en Mer de Chine du Sud avec un déploiement d’activités militaires et civiles de Pékin dans cette zone contestée, Hanoi semble avoir l’intention de garder les mains libres sans pour autant se priver de renforcer ses liens militaires, avec Moscou comme avec Washington.

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ASEAN Asie Politique

Une zone régionale libre d’armes nucléaires demeure boudée

La zone « libre d’armes nucléaires » voulue dès 1995 par l’Asean demeure boudée par les grandes puissances. Aucun accord ne semble se dégager sur ce point.

Sans attendre l’intégration de la Birmanie et du Laos (1997), ainsi que celle du Cambodge (1999), les Etats membres de l’Association des nations de l’Asie du sud-est (Asean) s’étaient entendus en 1995 sur la création d’une zone « libre d’armes nucléaires » (Seanwfz , pour Southeast Asian Nuclear Weapons Free Zone treaty). Dix-sept ans plus tard, alors que se réunissent à Phnom Penh les journées annuelles de l’Asean et son Forum sur les questions de sécurité, ce traité demeure boudé par les grandes puissances nucléaires.

Ce traité est un engagement des Etats membres à ne pas developper ou acquérir des armes nucléaires, à interdire tout test d’arme nucléaire dans (ou à l’extérieur) de la zone couverte par le traité et qui comprend les territoires, les plateaux continentaux, les zones maritimes économiques exclusives. Les négociations engagées dans la foulée par l’Asean avec ses «partenaires de dialogue», qui seront représentés du 11 au 13 juillet à Phnom Penh, n’ont pas abouti. Les Etats-Unis et la Russie refusent toute limitation à la circulation de leurs armes nucléaires. La Chine fait valoir que la «zone libre d’armes nucléaires» pourrait empiéter sur les eaux chinoises et violer sa souveraineté. La Grande-Bretagne et la France ont des réserves sur la définition elle-même de la zone dénucléarisée.

Aucun espoir de trouver un compromis ne semble pouvoir se dessiner car les réserves exprimées par les puissances nucléaires remettent en cause la substance du traité. Entre-temps, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a annoncé qu’elle profiterait de son passage au Cambodge pour se rendre également pour la première fois au Laos et pour retourner brièvement au Vietnam.