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Chronique de Thaïlande : Le Roi et lui

Quoique l’on puisse penser de l’attitude passée et présente de Thaksin Shinawatra, force est de constater un fait : cet ex-officier de police devenu homme d’affaires puis converti à la politique est au coeur des passions nationales depuis maintenant quinze ans.

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Kill the Bill, le mot d’ordre des manifestants thaïlandais

Les opposants à la loi d’amnistie sont rassemblés à Bangkok à l’appel du Parti Démocrate. Les manifestants demandent le retrait de cette loi, car elle pourrait ouvrir la voie au retour de Thaksin en Thaïlande.

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Chronique de Thaïlande : les hauts et les bas de la relation Paris-Bangkok

Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault se rend en Thaïlande les 4 et 5 février. Retour sur les relations franco-thaïlandaises.

La Thaïlande est-elle « le » bon partenaire pour la France en Asie du Sud-est ? Les stratèges de la diplomatie française se posent la question depuis une trentaine d’années. La vision d’un partenariat franco-vietnamien, au lendemain des retrouvailles de 1990, n’a été qu’une brève illusion. Au sortir de l’ère Suharto, l’Indonésie a été considérée comme une démocratie trop jeune et une économie trop institutionnellement corrompue pour faire figure d’allié stratégique. La relation France-Singapour, portée par l’amitié entre Jacques Chirac et Lee Kuan Yew, a été et est toujours fructueuse, mais elle constitue au plus un appui, non pas la base d’un partenariat stratégique au niveau régional. La Malaisie, avec son mélange d’autocratisme et de démocratie, est appréciée pour son fort potentiel économique, mais fragilisée par ses tensions intercommunautaires.

C’est lors d’un entretien à Paris entre le Premier ministre thaïlandais de l’époque, Thaksin Shinawatra, et le président Chirac, le 13 mai 2003, qu’a été décidé la mise en place d’un plan d’action franco-thaïlandais, visant, au travers de volets économique, scientifique et culturel à « ouvrir une nouvelle ère de partenariat et de coopération entre les deux pays afin de réaliser pleinement le potentiel de leurs liens d’amitié et de collaboration tissés depuis plus de trois siècles ». Le tropisme asiatique de Jacques Chirac et le dynamisme de Thaksin, soutenus par l’activité énergique déployée par l’ambassadeur français à Bangkok Laurent Aublin et le personnel de l’ambassade, ont permis une mise en œuvre rapide des objectifs définis. La période entre 2003 et 2006 a été l’âge d’or des relations franco-thaïlandaises, avec pour pivot un « plan d’action commercial franco-thaïlandais (PACT) » lancé dès juin 2003. Un document de la Mission économique française à Bangkok daté de janvier 2005 note : « le PACT correspond à une période faste pour les entreprises françaises en Thaïlande. Elles ont obtenu, en 2003 puis en 2004, des contrats d’un montant global, jusque-là, jamais atteint ». L’une des idées clés du PACT était que la France utilise la Thaïlande comme tremplin et partenaire pour des actions économiques dans la région du Grand Mékong et en Asie du Sud-est.

Le coup d’Etat du 19 septembre 2006, et la période du gouvernement du général (retraité) Surayudh Chulanont a quelque peu figé ce partenariat, lequel reposait beaucoup sur la volonté de Thaksin de donner à la Thaïlande à un rôle de leader en Asie du Sud-est. Certes, beaucoup de composantes des relations économiques entre Paris et Bangkok n’ont pas été affectées. Environ 350 entreprises françaises sont établies en Thaïlande, dont une soixantaine de grands groupes qui y ont souvent installé leur siège régional. Parmi ceux-ci, certains – Michelin, Sekurit, Saint-Gobain, Thainox, Essilor ou Rhodia – exportent vers le monde à partir de leur base thaïlandaise. Le tissu des PME et des entrepreneurs individuels est particulièrement dense. Bon an, mal an, les ventes d’Airbus contribuent à pousser vers le haut le chiffre des exportations françaises en Thaïlande. Mais les objectifs du PACT sont loin d’être atteints. Ainsi, en 2003, la France était le second investisseur de l’Union européenne en Thaïlande après la Grande-Bretagne. En 2012, elle était passée au quatrième rang derrière la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Pays-Bas. En 2011, les exportations françaises vers la Thaïlande ont reculé de 28 % (par rapport à 2010) et le déficit commercial de la France a doublé pour dépasser le milliard d’euros. Même pour les parfums et les cosmétiques, domaine où l’image des produits français est excellente en Thaïlande, la progression a été faible.

La visite à Paris de la Première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra en juillet dernier a toutefois était prometteuse. Plusieurs entreprises thaïlandaises (dont la dernière est le papetier Double A) ont effectué récemment de gros investissements en France. Les échanges universitaires entre les deux pays s’accroissent et, chose rarement soulignée, la Thaïlande comprend plus de locuteurs de français que le Vietnam. L’intérêt croissant de la Thaïlande pour les marchés africains devraient aussi contribuer au soutien du royaume pour la francophonie (la Thaïlande est un Etat observateur de l’Organisation internationale de la francophonie). Il reste à voir si Yingluck Shinawatra et son homologue français Jean-Marc Ayrault sauront donner une cohérence d’ensemble à ce partenariat, à l’instar de ce que l’ex-Premier ministre Thaksin avait été capable de faire entre 2001 et 2006.

 

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Thaïlande-Cambodge : guerre des mots entre Abhisit et Hun Sen

Les échanges verbaux acerbes entre le Premier ministre du Cambodge et l’ancien chef du gouvernement de Thaïlande tendent les relations bilatérales.

Les deux hommes ne se sont jamais appréciés, peut-être simplement parce qu’ils sont trop différents : Abhisit Vejjajiva, l’enfant des beaux quartiers de Londres, propre sur lui, mais qui se révèle aussi politicien rusé et tenace, et Hun Sen, l’ex-enfant de pagode, chef de guerre endimanché qui se complaît dans sa propre éloquence. L’un converse allègrement avec le président des Etats-Unis Barack Obama, l’autre pas. Lors d’une nouvelle passe d’armes verbale fin janvier, Hun Sen a mis au défi Abhisit Vejjajiva d’appuyer par des preuves ses propos alléguant que l’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra avait négocié secrètement des avantages économiques pour lui-même dans le cadre de la future exploitation de la zone riche en hydrocarbures à la limite des eaux territoriales entre le Cambodge et la Thaïlande.

Selon le quotidien thaïlandais The Nation, Abhisit a immédiatement rétorqué qu’il possédait un faisceau de preuves, citant notamment des télégrammes diplomatiques révélés par Wikileaks, ainsi que les propres propos de Thaksin et de Hun Sen. Avec un rien de perfidie, l’ex-Premier ministre thaïlandais Abhisit a ajouté, à propos de l’attitude changeante de Hun Sen à son égard – courtois lorsqu’il est en face de lui, désagréable sinon -, que le public «était bien conscient de quel type de personne était Hun Sen». Le gouvernement thaïlandais, alors dirigé par Abhisit Vejjajiva, avait annulé en novembre 2009 un mémorandum bilatéral sur la zone maritime revendiquée par les deux pays.

Le 24 janvier dernier, l’actuelle cheffe du gouvernement de Thaïlande, Yingluck Shinawatra, sœur cadette de Thaksin, est intervenue pour la première fois afin d’essayer de calmer la polémique. Selon le quotidien Bangkok Post, elle a demandé à Abhisit d’arrêter de répondre du tac au tac aux déclarations de Hun Sen, afin de ne pas compromettre les relations entre les deux pays. Beaucoup d’observateurs s’inquiètent de même des conséquences de cette guerre verbale. Le Nation a estimé, dans un éditorial publié le 25 janvier, que si le Cambodge continuait à miser uniquement sur Thaksin, les liens bilatéraux risquaient une déstabilisation permanente, mais a également reproché à l’opposition thaïlandaise de se complaire dans un jeu stérile de distribution des blâmes.

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Thaïlande : verdict cinglant contre la presse rouge

Le directeur d’un magazine supportant les Chemises rouges est condamné à dix ans de prison pour lèse-majesté.

C’est un coup de massue pour les amis et les parents de Somyot Preuksakasemsuk, ainsi que plus largement pour la liberté de la presse en Thaïlande. Le directeur du magazine Voice of Taksin, une publication surtout lue par les Chemises rouges, c’est-à-dire les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, a été condamné le 23 janvier par la cour pénale de Bangkok à 10 ans de prison pour deux articles considérés par les juges comme insultant envers le roi Bhumibol, auxquels s’est ajoutée une année de prison pour violation de la loi sur la presse. Somyot, qui n’a rien dit pendant toute l’audience, est reparti encadré par des policiers, chaînes aux pieds et en brandissant le point.

Le premier article, écrit en 2010 par l’ancien porte-parole du gouvernement Jakrapob Penkair, est une longue description historique de la façon dont Rama I, alors général, a éliminé en 1782 le roi Taksin, avant de prendre sa place sur le trône et de fonder la dynastie Chakri, dont le roi actuel Bhumibol ou Rama IX est le descendant. Les deux personnages historiques ne sont pas nommés dans l’article, ni le roi Bhumibol. Le second article, aussi écrit par Jakrapob, évoque un personnage fictif et sanguinaire, Luang Narubal, qui met en œuvre des noirs desseins, comme l’attaque contre l’université Thammasat en octobre 1976, de nombreux coups d’Etat et la répression meurtrière des manifestations des Chemises rouges en mai 2010. Les juges ont estimé que le premier article violait l’article 112 du code pénal qui punit le crime de lèse-majesté d’une peine entre 3 et 15 ans de prison, car il était diffamatoire envers la dynastie Chakri dont le roi actuel est le descendant. “Le second article fait clairement référence au roi Bhumibol sous les traits de Luang Narubal”, a déclaré l’un des juges.

Les juges ont aussi estimé que l’argument avancé par Somyot selon lequel il n’était pas l’auteur de ces articles, mais simplement le directeur du magazine n’était pas recevable, car celui-ci relisait les articles et en autorisait la publication. Les juges ont prononcé une peine de cinq ans pour chaque article incriminé, plus une année pour violation de la loi sur la presse.

A la sortie du tribunal, beaucoup de Chemises rouges étaient sous le choc et pleuraient. Des représentants d’organisations de défense des droits de l’Homme exprimaient aussi leur indignation. “C’est un terrible jugement. Même si l’on admet qu’il y a eu une faute, il doit y avoir une certaine proportion entre la faute et la peine”, s’est exclamé Danthong Breen, président de l’Union for Civil Liberties. L’organisation Human Rights Watch a publié un communiqué estimant que “les tribunaux (thaïlandais) ont adopté un rôle de protecteur de la monarchie au détriment de la liberté d’expression”. La délégation de l’Union européenne à Bangkok a aussi réagi dans l’heure qui a suivi le verdict en déplorant un jugement qui “mine sérieusement le droit de la liberté d’expression et la liberté de la presse”. Outre une représentante de l’Union européenne, des diplomates français, américain, britannique, allemand, danois, finlandais et luxembourgeois étaient présents à l’audience.

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Thaïlande : un ex-comédien condamné pour lèse-majesté

Un leader du mouvement des Chemises rouges, ancien humoriste, écope de deux ans de prison pour avoir critiqué le roi sans avoir prononcé son nom.

Le principal quotidien en anglais de Thaïlande, le Bangkok Post, rapporte la condamnation prononcée le 17 janvier par la Cour pénale avec une sobriété caractéristique : Yossawarit Chuklom a reçu une peine de deux ans de prison ferme pour lèse-majesté en liaison avec « un discours qu’il a prononcé en 2010 ». Yossawarit, qui, dans une vie antérieure était un comédien populaire, avait prononcé ce discours le 29 mars 2010 devant une assemblée de Chemises rouges, le mouvement pro-Thaksin et anti-establishment, peu avant que des dizaines de milliers de membres du mouvement n’arrivent à Bangkok pour une manifestation qui allait durer plusieurs mois et se terminer de façon tragique.

Le quotidien International Herald Tribune précise toutefois que Yossawarit n’avait pas prononcé le nom du roi lors de ce discours. Il avait juste indiqué que certaines personnes étaient opposées à la dissolution du gouvernement dirigé à l’époque par Abhisit Vejjajiva, dont les militaires, le président du Conseil privé du roi Prem Tinsulanonda et… quelqu’un d’autre. A ce moment, l’ex-comédien avait placé ses mains sur sa bouche comme en guise de baillon et avait dit : « Je n’ose pas le dire, mais vous savez à qui je pense ».

Le Herald souligne qu’il s’agit d’un élargissement considérable de la part des juges de l’interprétation de la loi punissant les crimes de lèse-majesté. Jusqu’à présent, le roi, la reine ou le prince héritier devaient être mentionnés explicitement pour que l’accusé soit considéré comme coupable. Selon l’avocat de Yossawarit, les juges se sont reposés sur la « spéculation » pour condamner son client. Yossawarit a interjeté appel et la Cour lui a accordé une libération provisoire sous caution.

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Thaïlande : le feuilleton de la discorde

L’annulation de la diffusion du dernier épisode d’un feuilleton met en ébullition le landerneau politique thaïlandais.

C’est une tempête dans un verre d’eau comme la Thaïlande en a le secret. La chaîne 3 de la télévision thaïlandaise, de loin la plus regardée, a annulé au dernier moment le 4 janvier la diffusion du dernier épisode du feuilleton « Au-dessus des nuages » (Neua Mek 2, en thaï), estimant son contenu «inapproprié». La série raconte l’histoire d’un Premier ministre sans scrupules, adepte de la magie noire, qui essaie d’obtenir par tous les moyens une concession pour le lancement d’un satellite de communications. Une allusion plutôt transparente à l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, exilé à Dubai et condamné en 2008 à deux ans de prison pour abus de pouvoir, et aussi milliardaire et fondateur d’un empire de télécommunications.

Selon l’édition en ligne du quotidien Asian Wall Street Journal, l’annulation a mené de nombreux Thaïlandais à se demander si le gouvernement dirigé par Yingluck Shinawatra, sœur cadette de Thaksin, a ordonné à la chaîne de stopper le feuilleton ligitieux. Supinya Klangnarong, membre de la Commission nationale de la diffusion et de télécommunications, organisme indépendant et conforme à la Constitution, a fait part publiquement de ses doutes vis-à-vis du gouvernement. Le quotidien thaïlandais The Nation a rapporté qu’un sexologue qui animait un programme très populaire sur la chaîne 3 a démissionné, après avoir écrit sur sa page Facebook que l’annulation de la diffusion du dernier épisode du feuilleton était « une disgrâce ». Le gouvernement, via porte-parole, a jusqu’à présent nié vigoureusement être impliqué de quelque manière que ce soit dans l’incident. De son côté, le réalisateur de la série, Nonzee Nimibutr, a écrit un sobre commentaire sur sa page Facebook : « RIP Neua Mek 2. Dormez bien ».

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : retour sur avril-mai 2010

La mise en cause d’Abhisit Vejjajiva et de Suthep Thaugsuban dans les évènements de 2010 s’inscrit dans le cadre d’un jeu politique opportuniste.

Dans l’histoire récente de la Thaïlande, l’oubli des fautes a souvent prévalu. Les autocrates de l’après-seconde guerre mondiale ont, pour la plupart, coulé une retraite paisible. Les officiers qui ont donné l’ordre d’attaquer les manifestants en 1973, 1976 et 1992 ont dû, pour suprême sanction, abandonner leurs fonctions officielles s’ils en détenaient, sinon se contenter de se faire discret, tout en continuant de siéger au sein des conseils d’administration des plus grandes entreprises du pays. La prise de responsabilité, la reconnaissance des fautes et le bon déroulement du processus judiciaire ont habituellement été du côté des perdants.

La mise en cause d’Abhisit Vejjajiva et de Suthep Thaugsuban, respectivement Premier ministre et vice-Premier ministre au moment de la répression meurtrière des manifestations des Chemises rouges en avril-mai 2010, peut apparaître comme un progrès. Ces deux anciens gouvernants, qui n’en sont pour l’instant qu’au stade de l’interrogatoire, doivent, deux ans après les faits, faire face aux conséquences des décisions qu’ils ont prises alors qu’ils dirigeaient le pays dans une période critique. Dans une récente interview, Abhisit s’est expliqué de manière assez expéditive sur les raisons qui l’avaient poussé à faire intervenir l’armée : “avec des dizaines de milliers de manifestants bloquant le centre de Bangkok, j’aurais bien aimé voir comment vous vous y seriez pris !”. Une réponse quelque peu de mauvaise foi : tout le monde n’a pas choisi de diriger le pays. Mais force est de reconnaître que, du point de vue des gouvernants, une fois les Chemises rouges incrustées dans le centre commercial de la capitale (et vu le manque de capacité de la police anti-émeutes), le recours à la force militaire était la seule voie ouverte pour dégager le centre-ville. Et les militaires thaïlandais étant ce qu’ils sont…

Il faudrait aussi rappeler que les hommes et les femmes qui dirigeaient le principal mouvement des Chemises rouges (l’Union pour la Défense de la Démocratie, ou UDD) avaient procédé à la mobilisation de leurs troupes au début de 2010, deux semaines après la confiscation par la justice d’un milliard et demi d’euros de la fortune de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, dans le cadre d’une stratégie avouée de provocation. Lors d’une conférence de presse au Club des correspondants de Thaïlande, Jaran Dittapichai avait indiqué que l’UDD “rassemblerait un million de Chemises rouges dans les rues et que celles-ci n’en bougeraient plus pour provoquer une réaction du gouvernement”. Un chantage à la force, en quelque sorte. L’attitude du parti pro-Thaksin Peua Thai, lequel a fortement bénéficié du soutien des Chemises rouges pour conquérir le pouvoir en juillet 2011, n’a pas laissé d’être ambiguë après sa victoire. Aussi bien les dirigeants du Peua Thai que ceux des Chemises rouges n’hésitent pas à manipuler les militants de base, souvent des ruraux des provinces ou des migrants travaillant dans les villes, quand cela leur profite. Et parfois, ils ne semblent guère se soucier des déboires des familles des victimes.

Un autre élément pousse à mettre en perspective la mise en cause formelle d’Abhisit et de Suthep : l’acharnement suspect du Département des enquêtes spéciales (DSI) dirigé par Tharit Pengdit, lequel siégait aux côtés des deux anciens gouvernants au sein de l’organisme chargé du “rétablissement de l’ordre” en 2010. Qualifier d’opportunisme le retournement de veste de Tharit, presque immédiatement après le scrutin de juillet 2011, relève de l’euphémisme. La conclusion à en tirer est que les poursuites judiciaires et les invocations morales au nom de la justice découlent de logiques mesquinement politiciennes. Ce qui était vrai lors du procès pour abus de pouvoir de Thaksin en 2008 l’est autant pour les ennuis judiciaires d’Abhisit et de Suthep en 2012.

Enfin, et c’est sans doute le défi principal à relever pour le royaume, les militaires, acteurs directs de la répression de 2010, ne sont pas inquiétés, s’abritant derrière le décret d’urgence mis en vigueur à l’époque et leur accordant une quasi-impunité, mais aussi derrière ce qu’il faut bien appeler la lâcheté des politiciens. Il est facile de lancer l’hallali sur Abhisit et Suthep. Il serait plus utile pour l’avenir d’un pays qui se dit démocratique de mettre à l’index les hommes en uniforme, lesquels continuent à croire qu’ils ont le droit et le devoir de renverser un gouvernement élu et d’utiliser la force contre des civils.