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INDONÉSIE : Comment l’Ambassade de France a rapatrié 2000 Français

En Indonésie, 2000 Français se sont retrouvés bloqués à cause de la fermeture des frontières, entraînée par l’épidémie de coronavirus. L’Ambassade de France a organisé des vols exceptionnels pour les rapatrier. 

Une situation inédite

Il n’y a pas de vol direct entre l’Indonésie et la France, ce qui a compliqué la tâche des touristes français, appelés à rentrer au plus tôt en raison de l’épidémie de Covid-19.

Les pays de transit adoptent des mesures subites de restriction, interdisant toute escale et obligeant les compagnies aériennes à annuler leurs vols, souvent sans préavis. De nombreux Français ont alors vu leurs vols supprimés les uns après les autres, et ont été contraints de demander un rapatriement à l’ambassade. 

 « On n’a jamais eu ce type de problème » confie Olivier Chambard, Ambassadeur de France en Indonésie et Timor-Est.

« J’étais en poste ici en 1998 quand il y a eu la révolution. A l’époque, il y avait aussi des Français à évacuer, mais l’Indonésie était le seul pays en crise. Aujourd’hui, le monde entier est en crise ».

Olivier Chambard, Ambassadeur de France en Indonésie et Timor-Est.

L’ambassade est prise au dépourvue par une demande massive de rapatriements à laquelle elle n’est pas préparée. 

Une cellule de réponse téléphonique

Très vite, l’ambassade reçoit un flux massif d’appels et de mails. Elle met alors en place une cellule de réponse téléphonique. Aménagée dans une salle spéciale et tenue par 5 personnes en roulement, la cellule reçoit jusqu’à 600 appels par jour. Ouverte de 8h à 20h et les week-ends, elle s’efforce d’informer et de rassurer les Français.

Une tâche difficile en raison du manque de visibilité quant aux futures solutions. « On travaille jour et nuit », explique un agent de la Chancellerie politique, « on n’a jamais ramené autant de Français à la fois ». 

A partir de ces appels et des mails, l’ambassade crée une liste de Français demandant un rapatriement : ils sont environ 2000. La majorité d’entre eux est à Bali, mais certains sont aussi dispersés dans l’archipel indonésien. L’ambassade les incite à se rapprocher de Jakarta et Denpasar.

Le 23 mars, dans un message vidéo, l’Ambassadeur Olivier Chambard demande aux Français de la patience, leur assurant que son équipe travaille à l’organisation de vols spéciaux. Deux jours plus tard, l’ambassade est finalement en mesure d’annoncer la tenue d’un premier vol spécial Qatar Airways, de Denpasar à Paris.

Une négociation avec Qatar Airways

C’est la Cellule de Crise et de Soutien du Ministère des Affaires Etrangères, à Paris, qui travaille à organiser des vols de rapatriement à l’étranger. Elle collabore surtout avec Air France, mais cette dernière n’est pas présente en Indonésie. « Vous savez, quand vous n’avez pas les droits pour atterrir, c’est très compliqué » explique Olivier Chambard.

Un accord est trouvé avec Qatar Airways, l’une des dernières compagnies à assurer des liaisons vers la France. En raison du nombre de passagers, il faut mettre en place des vols charters.

L’Ambassade de France au Qatar joue alors le rôle de coordinateur auprès de Qatar Airways. En Asie, chaque ambassade évalue ses besoins et les transmet à la compagnie, afin qu’elle décide du type d’appareil à envoyer. En même temps, les ambassades européennes à Jakarta se concertent pour partager les places disponibles.

Quatre vols spéciaux

Finalement, 4 vols spéciaux sont organisés fin mars : 3 depuis Bali et un depuis Jakarta. Il faut désormais répartir les Français. « On s’est improvisé en agence de voyage » confie Dominique Roubert, attaché de presse de l’ambassade. Le premier vol est réservé aux personnes considérées vulnérables.

Les suivants sont répartis suivant un mode de « premier arrivé, premier servi ». Chaque passager reçoit ensuite une attestation de l’ambassade certifiant leur place sur un vol charter Qatar Airways, avec l’aval du gouvernement français.

Le prix du billet retour vers la France a été fixé à 450 euros pour le touriste, mais le coût réel est bien plus élevé, avec une prise en charge par l’Etat « des deux-tiers du prix réel » explique Dominique Roubert. Avant l’obtention du billet, chaque Français doit remplir et signer un engagement à rembourser le Trésor Public d’ici le 1er juillet 2020.

« Il y a des touristes français qui sont un peu au bout du rouleau financièrement. Ils peuvent prendre ce vol sans mettre de l’argent sur la table tout de suite. C’est les meilleures conditions possibles »

Olivier Chambard, Ambassadeur de France en Indonésie et Timor-Est.

La plupart des Français de passage rapatriés

Ces 4 vols ont permis de ramener un peu moins de 2000 Français, certains ayant réussi à rentrer par leurs propres moyens. Les places supplémentaires ont été proposées à d’autres citoyens européens. Un nombre très limité de Français de passage est resté en Indonésie, soit par choix, soit pour des raisons particulières. L’ambassade continue de les soutenir.

« C’est une mission accomplie », selon Dominique Roubert : « on a pu rapatrier le plus grand nombre de Français le désirant ». L’attaché de presse explique que son équipe a reçu de nombreux remerciements : « en général les messages de mécontentement sont postés sur les réseaux sociaux et les remerciements sont envoyés par mail ». 

L’Ambassadeur de France a salué l’engagement de toute l’ambassade. Cette situation exceptionnelle a été un vrai « baptême du feu » pour la cinquantaine d’employés de l’ambassade impliqués dans la crise et confrontés à l’angoisse des touristes.

L’établissement a fermé ses portes au public le 31 mars, mais il continue d’assurer ses missions en télétravail. Restés en Indonésie, les employés ont désormais les yeux tournés vers la situation sanitaire locale, « aux portes de la flambée épidémique » selon Dominique Roubert.

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : une rue de Brest au Siam

L’inauguration d’une rue de Brest à Bangkok évoque 330 ans d’amitié entre la France et la Thaïlande.

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ASEAN Asie Thaïlande

Mission accomplie pour Jean-Marc Ayrault en Thaïlande

La visite du Premier ministre français consolide la relance des relations franco-thaïlandaises.

La visite de Jean-Marc Ayrault le 5 février en Thaïlande, la première d’un chef du gouvernement français depuis Michel Rocard en 1989, n’a duré que 24 heures, mais elle a été particulièrement bien remplie. Discours à l’université Thammasat de Bangkok, forum des affaires devant un parterre d’entrepreneurs français et thaïlandais, entretien avec la Première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra… l’ancien maire de Nantes n’a pas ménagé sa peine pour réaffirmer tout le bien que la France pense de la Thaïlande : « Le partenariat avec la Thaïlande est plein d’espérance. Je sens un pays plein de la volonté de réussir. La France apprécie beaucoup cet état d’esprit », a-t-il lancé, avec une touche de lyrisme, en conclusion de son discours lors du forum des affaires.

Jean-Marc Ayrault était accompagnée de deux ministres, Nicole Bricq, ministre du commerce, et Yamina Benguigui, ministre déléguée à la Francophonie, laquelle a déclaré être très impressionnée par le niveau de francophonie de la Thaïlande (40.000 locuteurs de français) et a promu l’utilité d’une francophonie « comme un outil de mobilité dans le monde francophone ». Mais la visite a été placée essentiellement sous le signe de l’économie. D’entrée de jeu, le ministre thaïlandais des Finances, Kittirat na Ranong, a évoqué le programme de 65 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures lancé par le gouvernement pour faire du royaume un « hub » régional. Les entreprises françaises sont les bienvenues, a-t-il déclaré, notamment dans le domaine ferroviaire qui concernera pas moins de 75 % du programme. Jean-Marc Ayrault ne pouvait que reprendre la balle au bond, ce qu’il a fait en disant que les « entreprises françaises, dont l’expertise est déjà reconnue, sont prêtes à répondre ».

L’un des thèmes récurrents des propos de Jean-Marc Ayrault durant sa visite a été celui de la volonté de la France et de l’Union européenne « d’accompagner la Thaïlande dans l’ambition de de l’intégration économique de l’Asie du Sud-Est ». En 2015, l’Asean va mettre en place une Communauté économique de l’Asean (AEC) au sein de laquelle les barrières tarifaires seront éliminées. « L’AEC ne sera pas exactement la même communauté que celle de l’Europe, mais j’espère que celle-ci peut vous inspirer », a-t-il déclaré. Lors de la conférence de presse commune qui a conclu la visite, après la signature de plusieurs accords dans les domaines économique, scientifique, de santé, éducatif et de défense, Yingluck Shinawatra s’est félicitée de la volonté des autorités françaises d’inciter leurs entreprises à venir dans le royaume. Elle a aussi confirmé que la Thaïlande était entrée dans une étape de négociation avec l’Union européenne sur un accord de libre-échange – accord qui, s’il est signé, permettra à l’Europe d’utiliser la Thaïlande comme une porte d’accès à la Communauté économique de l’AEC.

Jean-Marc Ayrault, qui n’a pas pu rendre visite au roi Bhumibol à cause de la santé fragile de celui-ci, lui a transmis un message écrit de la part du président François Hollande.

 

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Analyse Thaïlande

Chronique de Thaïlande : les hauts et les bas de la relation Paris-Bangkok

Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault se rend en Thaïlande les 4 et 5 février. Retour sur les relations franco-thaïlandaises.

La Thaïlande est-elle « le » bon partenaire pour la France en Asie du Sud-est ? Les stratèges de la diplomatie française se posent la question depuis une trentaine d’années. La vision d’un partenariat franco-vietnamien, au lendemain des retrouvailles de 1990, n’a été qu’une brève illusion. Au sortir de l’ère Suharto, l’Indonésie a été considérée comme une démocratie trop jeune et une économie trop institutionnellement corrompue pour faire figure d’allié stratégique. La relation France-Singapour, portée par l’amitié entre Jacques Chirac et Lee Kuan Yew, a été et est toujours fructueuse, mais elle constitue au plus un appui, non pas la base d’un partenariat stratégique au niveau régional. La Malaisie, avec son mélange d’autocratisme et de démocratie, est appréciée pour son fort potentiel économique, mais fragilisée par ses tensions intercommunautaires.

C’est lors d’un entretien à Paris entre le Premier ministre thaïlandais de l’époque, Thaksin Shinawatra, et le président Chirac, le 13 mai 2003, qu’a été décidé la mise en place d’un plan d’action franco-thaïlandais, visant, au travers de volets économique, scientifique et culturel à « ouvrir une nouvelle ère de partenariat et de coopération entre les deux pays afin de réaliser pleinement le potentiel de leurs liens d’amitié et de collaboration tissés depuis plus de trois siècles ». Le tropisme asiatique de Jacques Chirac et le dynamisme de Thaksin, soutenus par l’activité énergique déployée par l’ambassadeur français à Bangkok Laurent Aublin et le personnel de l’ambassade, ont permis une mise en œuvre rapide des objectifs définis. La période entre 2003 et 2006 a été l’âge d’or des relations franco-thaïlandaises, avec pour pivot un « plan d’action commercial franco-thaïlandais (PACT) » lancé dès juin 2003. Un document de la Mission économique française à Bangkok daté de janvier 2005 note : « le PACT correspond à une période faste pour les entreprises françaises en Thaïlande. Elles ont obtenu, en 2003 puis en 2004, des contrats d’un montant global, jusque-là, jamais atteint ». L’une des idées clés du PACT était que la France utilise la Thaïlande comme tremplin et partenaire pour des actions économiques dans la région du Grand Mékong et en Asie du Sud-est.

Le coup d’Etat du 19 septembre 2006, et la période du gouvernement du général (retraité) Surayudh Chulanont a quelque peu figé ce partenariat, lequel reposait beaucoup sur la volonté de Thaksin de donner à la Thaïlande à un rôle de leader en Asie du Sud-est. Certes, beaucoup de composantes des relations économiques entre Paris et Bangkok n’ont pas été affectées. Environ 350 entreprises françaises sont établies en Thaïlande, dont une soixantaine de grands groupes qui y ont souvent installé leur siège régional. Parmi ceux-ci, certains – Michelin, Sekurit, Saint-Gobain, Thainox, Essilor ou Rhodia – exportent vers le monde à partir de leur base thaïlandaise. Le tissu des PME et des entrepreneurs individuels est particulièrement dense. Bon an, mal an, les ventes d’Airbus contribuent à pousser vers le haut le chiffre des exportations françaises en Thaïlande. Mais les objectifs du PACT sont loin d’être atteints. Ainsi, en 2003, la France était le second investisseur de l’Union européenne en Thaïlande après la Grande-Bretagne. En 2012, elle était passée au quatrième rang derrière la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les Pays-Bas. En 2011, les exportations françaises vers la Thaïlande ont reculé de 28 % (par rapport à 2010) et le déficit commercial de la France a doublé pour dépasser le milliard d’euros. Même pour les parfums et les cosmétiques, domaine où l’image des produits français est excellente en Thaïlande, la progression a été faible.

La visite à Paris de la Première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra en juillet dernier a toutefois était prometteuse. Plusieurs entreprises thaïlandaises (dont la dernière est le papetier Double A) ont effectué récemment de gros investissements en France. Les échanges universitaires entre les deux pays s’accroissent et, chose rarement soulignée, la Thaïlande comprend plus de locuteurs de français que le Vietnam. L’intérêt croissant de la Thaïlande pour les marchés africains devraient aussi contribuer au soutien du royaume pour la francophonie (la Thaïlande est un Etat observateur de l’Organisation internationale de la francophonie). Il reste à voir si Yingluck Shinawatra et son homologue français Jean-Marc Ayrault sauront donner une cohérence d’ensemble à ce partenariat, à l’instar de ce que l’ex-Premier ministre Thaksin avait été capable de faire entre 2001 et 2006.

 

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Asie Culture

Un nouveau projet de recherche Europe-Asie du Sud-est

Cinq institutions de recherche européennes et quatre universités d’Asie du Sud-Est s’associent pour un ambitieux projet de recherche.

Le projet, financé à hauteur de 2,4 millions d’€ par l’Union européenne, a été baptisé SEATIDE et portera sur la thématique : “Intégration en Asie du sud-est. Trajectoires d’inclusion, dynamiques d’exclusion”. Le coordinateur scientifique en sera l’Ecole française d’extrême orient (EFEO), au travers du directeur de cette institution plus que centenaire, Franciscus Verellen, et d’Yves Goudineau, directeur du centre EFEO à Chiang Mai. Cinq universités ou établissements de recherche européens y participent – l’EFEO, l’université de Cambridge, l’université d’Hambourg, l’Université de Milan-Bicocca et l’université de Tallin (Estonie) – ainsi que quatre universités du Sud-est asiatique – l’université indonésienne de Gadjah Mada, l’Académie vietnamienne des sciences sociales, l’université Sains Malaysia et l’université de Chiang Mai (Thaïlande) – constituent le coeur du réseau de recherches, mais des chercheurs d’autres établissements y participeront également (Institut de recherches sur l’Asie du Sud-est contemporaine, Institut de recherches pour le développement, CNRS).

“C’est un réseau de coopération entre chercheurs qui se met en place, le projet va durer une dizaine d’années”, a précisé à Asie-Info Jérémy Opritesco, conseiller culturel et scientifique de l’ambassade de France à Bangkok. Quatre sous-thèmes seront étudiés avec, pour chacun d’entre eux, une ou plusieurs universités jouant un rôle-leader : l’intégration nationale face à la diversité régionale, les mouvements de populations transfrontaliers et intranationaux, l’analyse des réseaux de connaissance et le rôle qu’y joue l’Europe, et l’analyse des crises historiques et politiques dans le but de voir ce qui distingue l’Asean Way du mode d’intégration propre à l’Union européenne.

Le projet doit être officiellement inauguré le 1er février à Chiang Mai en présence du directeur de l’EFEO et du président de l’Université de Chiang Mai, le professeur Kasem Wattanachai.

 

 

 

 

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Malaisie Politique

Malaisie : l’affaire Altantuya revient hanter Najib

Le Premier ministre de Malaisie nie que sa femme ait interféré dans l’enquête sur la mort de la Mongole.

En novembre 2012, l’homme d’affaire Deepak Jaikishan, autrefois proche de l’épouse du Premier ministre de Malaisie Najib Tun Razak, Rosmah Mansor, avait déclaré que cette dernière était intervenue pour forcer un détective privé à réfuter une déclaration assermentée. Ce détective, P. Balasubramaniam, avait fait en juillet 2008 une déclaration sous serment révélant les liens intimes entre le Premier ministre Najib Tun Razak et Altantuya Shaariibuu, une interprète mongole âgée de 28 ans. Altantuya avait été assassinée en octobre 2006 après avoir réclamé sa « part » dans le cadre de la vente controversée de sous-marins français à la Malaisie.

La déclaration de Balasubraniam contenait des éléments extrêmement dommageables pour Najib, alors vice-Premier ministre et ministre de la Défense, affirmant non seulement qu’il entretenait une liaison avec Altantuya, mais aussi que son aide de camp personnel était intervenu pour « régler le sort » de la jeune femme. Le lendemain de cette déclaration, le détective avait fait une seconde déclaration assermentée réfutant la première, établie, affirmait-il, « sous la contrainte », puis avait disparu. L’homme d’affaires Deepak affirme, sans toutefois fournir de preuve, que Rosmah lui avait demandé d’intervenir auprès du détective pour qu’il revienne sur sa première déclaration.

Le 17 janvier, selon le quotidien singapourien The Straits Times, le Premier ministre Najib a pour la première fois réagi aux propos de Deepak en estimant que celui-ci « n’était pas crédible ». Le fait que Najib ait attendu deux mois pour réagir et qu’il n’intente pas d’action en justice pour contrer les propos de l’homme d’affaires ont toutefois fait enfler la polémique. Les élections générales en Malaisie sont prévues au printemps 2013 et les attaques de part et d’autres se multiplient au fur et à mesure que la date du scrutin approche.

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Culture Malaisie Politique

L’affaire Altantuya croquée dans une BD en Malaisie

Zunar, dessinateur de BD, publie un album satirique sur la vente des Scorpènes et l’affaire Altantuya en Malaisie.

Zunar est venu faire imprimer son album « Pak Monggol & Scorpene » (Mr Mongol et Scorpène) à Bangkok, car, dit-il, « aucune firme n’osera l’imprimer en Malaisie ». Sur 32 pages en couleurs, ce quinquagénaire qui se définit comme dessinateur de BD politiques, raconte à sa manière l’odyssée de la vente des sous-marins français de type Scorpène en 2002 au gouvernement malaisien et la mort tragique d’une interprète mongole Altantuya Shaariibuu, amante du principal intermédiaire dans la transaction, assassinée en octobre 2006. Cette affaire secoue depuis la scène politique malaisienne et a mis en cause l’actuel premier ministre Najib Razak, que d’aucuns reconnaîtront sous les traits du personnage de l’album Pak Monggol, dont les initiales sont justement P.M. Deux policiers des Services spéciaux ont été condamnés à mort en 2009 pour le meurtre, mais leur commanditaire demeure jusqu’à présent mystérieux.

Zunar a publié cet album en collaboration avec l’ONG Suaram, laquelle a engagé en novembre 2009 un cabinet d’avocats français pour enquêter sur d’éventuels pots-de-vin versés par la Direction des constructions navales (le fabricant des sous-marins) à des membres du gouvernement malaisien. « Nous avons voulu faire quelque chose de très simple pour expliquer cette affaire aux Malaisiens, particulièrement à ceux qui vivent dans des villages, n’ont pas accès à l’internet et ne connaissent pas cette histoire », explique-t-il dans un entretien avec Asie-Info. Conscient des risques de représailles par le gouvernement à son encontre, il dit qu’il estime qu’il « est de sa responsabilité en tant que Malaisien et en tant que dessinateur d’expliquer la vérité ». Zunar a déjà été emprisonné dans le passé pour ses dessins satiriques. Son album, actuellement en langue malaise mais qui sortira prochainement en anglais, peut être acheté sur le site de l’auteur : http://zunarcartoonist.com.

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Analyse Asie Politique

L’Asem au Laos : un sommet pour pas grand-chose

Le 9ème sommet de l’Asie-Europe, ou Asem, s’est déroulé à Vientiane les 5 et 6 novembre. Un rendez-vous sympathique, sans véritable enjeu et passé un peu inaperçu.

Les Européens intéressent les Asiatiques et vice-versa. Mais l’Europe n’intéresse guère l’Asie. Avec ses difficultés financières, elle n’est plus un modèle mais un navire menacé de sombrer, du moins elle tend à être perçue ainsi en Asie, provisoirement. Certes, les 49 pays de l’Asem représentent plus de 50% du PIB mondial et 60% des échanges internationaux ; et abrite près de 60% de la population mondiale. Mais, aux yeux des Asiatiques et de leurs gouvernants, sur le plan stratégique, l’Europe n’existe guère.

Aussi, fondée en 1996 à Bangkok, l’Asem a eu beau ancrer un dialogue continu, à plusieurs niveaux et dans plusieurs secteurs, entre les deux continents, ses sommets tous les deux ans demeurent plutôt informels et sans objectif précis. Certes, c’est une bonne occasion de faire des rencontres et de prendre la température. Mais tout le monde ne s’y rend pas, comme l’ont montré deux ténors européens, Angela Merkel et David Cameron. En outre, le calendrier n’a pas favorisé l’Asem : le scrutin présidentiel américain a coïncidé et le Congrès du PC chinois s’ouvre le 8 novembre.

Sur le départ et égratigné en fin de parcours par les révélations du New York Times sur l’enrichissement de membres de sa famille, le premier ministre chinois Wen Jiabao n’avait sans doute pas de mandat pour rencontrer son homologue japonais, Yoshihiko Nada, et discuter avec lui de leur contentieux en mer de Chine en dépit d’une relative accalmie. Ils ne se sont pas vus en-dehors de la séance plénière.

François Hollande a, lui, fait le long voyage et, en l’espace d’une journée, découvert quelques interlocuteurs asiatiques, entre autres le Premier ministre du Vietnam et celui de la Malaisie. Il a revu le président de l’Indonésie, qu’il connaissait déjà (le G20). Le chef de l’Etat semble un peu hésiter : il veut avoir une politique asiatique dynamique  – c’est clair – mais il éprouve du mal à la formuler ou ne sait pas trop comment s’y prendre. Ce n’était peut-être pas une raison pour reprendre une antienne de François Mitterrand (en bref, les Asiatiques doivent jouer le jeu, pas de dumping, pas de manipulation de la monnaie, des salaires plus sociaux). Ni une raison, même s’il était pressé, pour ne pas aller s’incliner devant la dépouille mortelle d’un grand ami asiatique de la France, Norodom Sihanouk. Phnom Penh est à moins d’une heure d’avion de Vientiane.