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Asean : un Vietnamien à la barre en pleine période de crise

Rééquilibrage américain, poussée chinoise, communauté économique en 2015, le Vietnamien Lê Luong Minh, nouveau secrétaire général de l’Asean, ne va pas chômer.

Pour succéder à Surin Pitsuwan, ancien parlementaire et ancien ministre des affaires étrangères de Thaïlande rompu aux négociations, l’Association des nations de l’Asie du sud-est a choisi comme secrétaire général un vétéran de la diplomatie du Vietnam, Lê Luong Minh, 61 ans, formé en Inde (université Jawaharlal Nehru, New Delhi), ambassadeur à l’ONU pendant sept ans (dont un an à la présidence du Conseil de sécurité en 2008-2009), et vice-ministre depuis.

C’est la première fois que le secrétariat général, dont le siège est à Jakarta, est confié à l’un des quatre Etats membres admis au sein de l’Asean après la fin de la Guerre froide (le Vietnam en 1995, la Birmanie et le Laos en 1997, le Cambodge en 1999). En outre, le secrétariat et la présidence annuelle de l’Asean (assurée par Brunei) se retrouvent, en 2013, entre les mains de deux des quatre Etats membres directement impliqués dans le contentieux en mer de Chine du Sud (les deux autres sont les Philippines et la Malaisie).

Lors de sa prise de fonctions le 9 janvier, Minh s’est d’ailleurs empressé de déclarer vital d’accélérer la négociation avec la Chine d’un Code de conduite en mer de Chine du Sud, dont le principe a été adopté voilà dix ans déjà. Cette position, acceptée par les dix Etats membres de l’Asean, aura donc un effet rassurant quand on sait que Pékin continue d’exercer des pressions quotidiennes sur Hanoï dans des eaux que les Vietnamiens appellent la mer de l’Est.

Le mandat de quatre ans de Minh correspond à la phase finale – et très délicate – de la mise en place par l’Asean d’une communauté économique rassemblant plus d’un demi-milliard de gens, soit 8% de la population mondiale. «Le flot plus ouvert d’investissements, de capitaux, de travail, de biens et de services vont poser différents défis et vont offrir différentes opportunités aux Etats membres», a-t-il estimé le 9 janvier, selon le Straits Times de Singapour, en prévenant que l’intégration ne sera pas complète sans une réduction des écarts de développement au sein de l’Association.

Face à une Chine voisine et très entreprenante, plusieurs Etats de l’Asean ont accueilli favorablement ce que Barack Obama a d’abord présenté comme le «pivotement» des Etats-Unis vers l’Asie et qu’il définit aujourd’hui comme un «rééquilibrage» dans tous les domaines. Ce face-à-face entre les deux éléphants de l’Asie-Pacifique sera d’autant plus difficile à gérer pour Minh que son secrétariat général dispose de moyens très limités. En passant le relais à Minh, Surin a déclaré que la décennie en cours compte beaucoup plus de défis que la précédente. «Les superpuissances arrivent. Nous sommes le centre de gravité de la planète. Nous ne pouvons écarter personne. Nous pouvons seulement gérer les relations pour contribuer à l’équilibre stratégique que nous souhaitons voir se déployer ici».

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Clichés d’Asie : histoires de toilettes

Dans cette nouvelle rubrique, Asie-Info reproduit et commente des clichés pris en Asie. Honneur aux toilettes pour ce premier article de la série.

« La mondialisation passera par la standardisation des toilettes ou ne passera pas », a dit un grand esprit. Un ami français qui m’avait raconté il y a de nombreuses années comment il avait dû, assis sur ses talons au-dessus d’un trou dans la campagne d’Afghanistan, recourir à des pierres plates pour un besoin hygiénique crucial est probablement du même avis. Chaque pays conserve encore, toutefois, ses us et coutumes particuliers quant à cette pratique, ce qui fait à la fois le charme et le péril du voyage. Cette photo, prise par Amphai Thiansawang dans le nord-est de la Birmanie, montre un lieu d’aisance au bord d’une route entre Mandalay et Pyin Oo Lwin.

 

 

 

 

 

 

A côté du graphique, touchant dans sa fruste simplicité, indiquant les côtés réservés respectivement aux femmes et aux hommes, figure aussi la mention en trois langues : anglais, chinois et birman. Il faudrait vraiment y mettre de la mauvaise volonté pour se tromper.

La globalisation déferlante tente d’imposer un standard unique dans la façon d’utiliser les toilettes. Et dans ce bras de fer, la méthode occidentale semble avoir l’avantage, malgré certains avis au sein de notre rédaction qui militent pour la pratique orientale, plus commode selon eux.

Ce cliché pris par Arnaud Roux à l’hôpital Calmette de Phnom Penh illustre cette crispation, la mine réjouie du personnage assis sur la cuvette parlant d’elle-même.

Dans le registre infini des mille et une façons d’utiliser les toilettes, la palme revient peut-être à cette photo prise à dans le complexe commercial Central Plaza de Vientiane, au Laos, par Arnaud Dubus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Quel est ici le message ? Qu’il ne faut pas se vautrer dans les toilettes ? Ou même s’y désaltérer ? Partisans du libre arbitre, nous vous en laissons juge.

 

Les photos des lecteurs d’Asie-Info sont les bienvenues afin d’enrichir cette rubrique. Elles seront publiées avec mention de leur nom sauf s’ils ne le souhaitent pas.

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Cambodge : Hun Sen prêche la tolérance à l’égard des gays

Le premier ministre cambodgien a lancé un appel à la non-discrimination des gays et des lesbiennes lors d’une tournée en province.

«Ils n’ont pas choisi de l’être, ils ne l’ont pas voulu, mais ils sont nés ainsi», a déclaré le chef du gouvernement du Cambodge le 11 décembre, au lendemain de la journée mondiale des droits de l’homme. Il l’a fait lors d’une cérémonie de remise de titres fonciers dans un village de la province de Kep, selon le Phnom Penh Post. Ou Virak, président du Centre cambodgien pour les droits de l’homme, s’est déclaré encouragé par l’attitude du premier ministre et son appel à la tolérance à l’égard des homosexuels.

Hun Sen avait été l’objet d’une controverse à ce sujet en 2007. En apprenant que sa fille cadette – une enfant adoptée – s’était mise en ménage avec une autre femme, il avait annoncé publiquement qu’il la déshériterait. Les temps semblent avoir changé et le premier ministre cambodgien, en place depuis 1985, paraît désormais refléter la tolérance traditionnelle, dans son pays comme en Thaïlande, à l’égard des gays et des lesbiennes. En 2004, feu le roi Norodom Sihanouk, s’était prononcé en faveur des unions entre gens de même sexe.

Même au Vietnam, les comportements changent rapidement : des manifestations publiques de gays et de lesbiennes y sont désormais autorisées, y compris, cette année, une première parade gay à Hanoï. Si la possibilité d’unions légales entre gens du même sexe a été évoquée, elle semble toutefois bien prématurée, ce qui est également le cas en Thaïlande et au Cambodge.

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Philippines : Manille prône le réarmement japonais

Que s’est-il passé pour que Manille, qui a gardé un souvenir détestable de l’occupation japonaise, se prononce pour le réarmement du Japon ? Demandez-le à Pékin.

Albert del Rosario n’est pas n’importe quel ministre puisqu’il est le chef de la diplomatie des Philippines depuis février 2011. Au Financial Times de Londres, il a affirmé que son gouvernement, celui du président Aquino, approuverait fermement le Japon si ce dernier se débarrassait de sa Constitution pacifiste et se réarmait afin de faire contrepoids à l’effort d’armement colossal entrepris par la Chine. Et del Rosario l’a dit à un moment où la question n’est plus forcément théorique : le Japon se trouve à l’avant-veille d’élections générales anticipées dont les résultats pourraient être favorables à Shinzo Abe, un ancien premier ministre qui s’est rallié à une révision de la Constitution et à un renforcement militaire nippon.

Le ministre a été très explicite : «Nous recherchons des facteurs de rééquilibrage des forces dans la région et le Japon pourrait être un facteur significatif de rééquilibrage». Manille considère comme une provocation la revendication chinoise de souveraineté sur au moins 80% des eaux de la mer de Chine du sud, dont la partie orientale est qualifiée de mer Occidentale par les autorités philippines.

Dans l’enceinte de l’Asean, del Rosario monte régulièrement au créneau contre ce que les Philippines et le Vietnam considèrent sans le dire comme la politique chinoise de la canonnière : intimidations, patrouilles de police, droit de fouille des bâtiments étrangers, annexion administrative, refus de négociation multilatérale, non-respect des zones économiques exclusives. En juin dernier, il y a eu de durs échanges avec le Cambodge, allié de Pékin qui assurait alors la présidence de l’Asean, à telle enseigne qu’un communiqué final commun n’a pas pu être publié pour la première fois depuis la formation de l’Association en 1967.

Ancien diplomate de carrière, aujourd’hui âgé de 73 ans, del Rosario n’a jamais mâché ses mots. Ambassadeur à Washington sous la présidence de Gloria Arroyo, il avait démissionné en 2006 parce qu’il s’opposait au recrutement de lobbys par le gouvernement philippin et parce que Manille ne tenait pas compte de ses objections à la proclamation d’un état d’urgence, qu’il jugera plus tard «injustifiable».

Que les Philippines, qui ont gardé un terrible souvenir de l’occupation japonaise (1942-1945), réclament désormais un réarmement nippon en dit long sur les effets de la gestion un peu brutale de la montée en puissance de la Chine : ces effets commencent à estomper, dans l’opinion asiatique, le souvenir de la sinistre «sphère de co-prospérité» nippone. En juillet dernier, Manille et Tokyo ont passé un accord de coopération militaire de cinq ans et la livraison de douze nouveaux patrouilleurs japonais aux Philippines est en cours.

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Vietnam : la librairie française Nam Phong, dix ans déjà

Les communautés francophones gonflent en Asie du sud-est. Des points d’attache se créent et se développent, dont des librairies. Celle de Saigon fête ses dix ans.

Les librairies françaises sont peut-être rares dans la région, mais très attachantes. Il y a d’abord les deux Carnets d’Asie, l’une à l’Alliance française de Bangkok en Thaïlande, l’autre à l’Institut français de Phnom-Penh au Cambodge. Elles tournent autour d’Olivier Jeandel, homme de goût et de plume, plein de nuances, qui comprend fort bien l’environnement dans lequel il baigne. Il y a également la bibliothèque riche en livres sur l’Indochine française, y compris des anciens, où l’on prend son temps pour fouiner en compagnie d’un connaisseur, François Doré : elle est située à Bangkok et s’intitule la Librairie du Siam et des Colonies.

Au Vietnam, le lieu de rendez-vous se trouve chez Colette et Khanh, au pied du gratte-ciel de Bitexco, le plus élevé de Hochiminh-Ville, non loin du Vieux marché, à dix mètres d’un nouveau café franco-vietnamien et près du restaurant La Niçoise. Le 30 novembre, la librairie Nam Phong célèbre son dixième anniversaire. Nguyên Quôc Khanh est le fils aîné de l’écrivain Nguyên Tiên Lang, mandarin nationaliste et francophile de la Cour de Hué, qui maniait dans l’entre-deux-guerres la langue française dans un style qu’on dirait aujourd’hui désuet mais d’une délicatesse toujours aussi touchante.

Auteurs, photographes, artistes francophones de la région ont tous été accueillis dans les murs de Nam Phong. Deux d’entre eux, la photographe Martine Aepli et le céramiste François Jarlov, y sont présents le 30 novembre. On y a même retrouvé, voilà un an, lors d’une soirée à l’affluence record, Francis Renaud y dédicaçant l’émouvante biographie qu’il a faite de son père, le juge Renaud. Le Vietnam est le pays d’adoption du fils Renaud, qui a même été un moment grand spécialiste du café.

Ces librairies apportent leur petit écot à l’entretien et au renouvellement du fonds de francophonie de l’ancienne péninsule indochinoise. Leur présence rassure, à l’image de leurs rayons où s’affichent également les ouvrages les plus récents. A Nam Phong, on rêve désormais d’accueillir Patrick Deville, dernier prix Femina pour sa biographie d’Alexandre Yersin, aujourd’hui génie tutélaire dans une pagode proche de Nhatrang. Les liens subsistent, la langue et l’écriture aussi.

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Asie du Sud-Est : la grippe aviaire recule

Le H5N1, virus de la grippe aviaire, recule depuis plus d’un an. Auparavant, l’Asie du Sud-Est a été l’une des régions du monde les plus affectées.

Le nombre des réapparitions rapportées du H5N1 dans les élevages de volailles et parmi les oiseaux sauvages a décru depuis la mi-2011 et a nettement baissé pendant le deuxième trimestre de 2012, selon la FAO. Six pays ont rapporté à l’agence onusienne 98 cas d’élevages de volailles affectés par le H5N1 et cinq cas d’oiseaux sauvages d’avril à juin 2012, selon le Cidrap (Center for Infectious Disease Research & Policy, de l’université de Minnesota). Parmi les pays concernés figurent le Cambodge, l’Indonésie et la Chine.

Pendant cette période, le déclin du nombre de cas de grippe aviaire a été le plus sensible en Egypte et en Indonésie. Des pays qui sont affectés de façon plus sporadique – comme le Vietnam, le Japon ou la Corée du Sud – n’ont rapporté aucun cas. Le H5N1 avait reculé de 2003 à 2008 avant une nouvelle avancée de la mi-2008 à la mi-2011.

La FAO a néanmoins appelé à la prudence : tous les cas de H5N1 ne sont pas rapportés et «les signes cliniques [de la maladie] peuvent être masqués par le recours régulier à la vaccination des élevages de volailles». En outre, le deuxième trimestre marque la fin de la saison du H5N1, souligne le rapport de la FAO (pendant le premier trimestre de 2012, 198 cas ont été rapportés dans onze pays).

Le Vietnam a eu beau ne rapporter aucun cas pendant le deuxième trimestre, le virus pourrait être endémique dans le delta du Mékong et les provinces qui entourent Hochiminh-Ville. Neuf cas de transmission à l’homme ont été rapportés pendant le deuxième trimestre de 2012 dans quatre pays, dont le Cambodge et l’Indonésie. En 2012, sur 30 personnes sont tombées malades, 19 sont mortes, dont la dernière en août en Indonésie (en 2011, 62 cas ont été rapportés, dont 34 morts).

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Mer de Chine du Sud : la phase dépassée du Code de conduite

En 2002, la Chine et l’Asean s’étaient mises d’accord sur le principe d’un Code de conduite en mer de Chine du Sud. Rien n’a été fait. Y aurait-il une solution ?

Voilà dix ans, face aux conflits de souveraineté en mer de Chine du Sud, la Chine et l’Asean ont admis le principe d’un Code de conduite commun. Depuis, Pékin a fait marche arrière : le Code de conduite interviendra au «moment opportun», disent les Chinois, et seules des négociations bilatérales sont concevables. Entre-temps, la Chine a profité de sa supériorité militaire pour faire la police maritime, y compris dans les zones économiques exclusives des Philippines et du Vietnam. De leur côté, les Etats-Unis sont entrés dans la danse en affirmant, depuis 2010, que des négociations globales doivent avoir lieu entre la Chine et l’Asean. Aujourd’hui, plus rien ne bouge et l’impasse semble totale. Mais l’est-elle vraiment?

L’une des raisons de la paralysie est la désunion au sein de l’Asean, dont la moitié des dix membres n’est pas directement concernée par la volonté chinoise de contrôler 80% des eaux de la mer de Chine du Sud. Les altercations de 2012, au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, laissent penser qu’aucun consensus ne peut se dégager. La Birmanie, même si elle a pris ses distances à l’égard de la Chine, croule sous ses propres problèmes. Le Cambodge privilégie ses relations avec Pékin. Ni le Laos ni la Thaïlande ni même Singapour ne monteront au créneau pour inviter la Chine à davantage de souplesse en mer de Chine du Sud.

Les pays directement concernés sont le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et Brunei, auxquels peut s’ajouter l’Indonésie, dont les gisements de gaz off-shore de Natuna se trouvent à la limite des eaux revendiquées par Pékin. Ancien directeur de la Far Eastern Economic Review et observateur averti de la région, Philip Bowring suggère que ces cinq Etats, au lieu de tenter en vain de rallier à leur cause d’autre Etats indifférents de l’Asean, forment un groupe de travail «lié de façon informelle à l’Asean» et susceptible de proposer «un consensus sur la négociation avec la Chine». La présence de l’Indonésie, estime-t-il dans les colonnes du Wall Street Journal, serait indispensable pour renforcer la présence du monde malais et donner plus d’autorité au groupe aux yeux des Chinois.

La première tâche de ce groupe serait de s’entendre sur l’histoire de la région antérieure à l’arrivée des Occidentaux et à l’expansion chinoise (les Chinois n’ont, par exemple, colonisé Taïwan qu’en 1650 ; ils ont été chassés du Vietnam en l’an 969). Dans une deuxième phase, poursuit Bowring, les cinq pays devraient régler les contentieux maritimes qui les opposent entre eux (notamment en ce qui concerne la zone très disputée de l’archipel des Spratleys), quitte à s’en remettre à une juridiction internationale pour régler le sort de zones qui se chevauchent.

Bowring estime que la formation de ce nouveau groupe, qui représenterait les deux tiers des côtes de la mer de Chine du Sud, renforcerait la main des pays qui le forment dans une négociation avec Pékin et ramènerait un peu de sérénité dans les rangs de l’Asean où la question de la mer de Chine du Sud a suscité quelques amertumes, encore plus prononcées que celles, autrefois, à propos de la Birmanie. De toute manière, écrit-il, ce développement contribuerait à remettre sur les rails une Asean «qui paraît de plus en plus sans prise sur une agression chinoise».

Que Brunei ait pris la relève du Cambodge à la présidence de l’Asean, jusqu’à la fin 2013, pourrait faciliter les choses. Les Philippines ont déjà annoncé une réunion, le 12 décembre à Manille, des vice-ministres de la Défense des quatre Etats directement impliqués en mer de Chine du Sud. On verra alors ce qu’ils comptent faire et comment réagit Jakarta.

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Barack Obama en Asie du Sud-Est : le coup de maître birman

Le point fort de la tournée du chef de l’Etat américain demeurera sa visite à Rangoon, où il a ancré l’espérance, sentiment rare par les temps qui courent.

Six heures seulement à Rangoon, capitale déchue depuis 2005 par la volonté mégalomaniaque d’un ancien tyran qui avait choisi d’extraire de la jungle Naypyidaw, nouvelle capitale isolée, ville surréaliste pour dieux-rois, bunker-retraite pour généraux apeurés par la nouvelle planète, ces mêmes généraux qui avaient refusé en 2008, aux populations du delta de l’Irrawaddy dévasté, l’aide internationale acheminée par bateaux.

Une demie heure à l’Université de Rangoon, fermée près d’une année sur deux pendant deux décennies, fermée comme un refus du savoir, de l’avenir, de l’ouverture sur une jeunesse et sur le monde. Une génération délibérément sacrifiée. Barack Obama a fait rêver les étudiants non en leur promettant la lune mais en leur rappelant que le chemin serait long, plein d’obstacles, et en affirmant qu’il continuerait de se tenir à leurs côtés comme il l’a fait au cours des quatre dernières années.

La grâce ? Thein Sein n’en est plus un officier déguisé en civil mais un gouvernant fréquentable, qui bénéficie d’un préjugé favorable et qui fait face à une tâche surhumaine. Mme Suu Kyi n’en est plus l’assignée permanente à résidence, muselée. Elle rebondit sur terre, met en garde contre les défis à venir et s’apprête à mettre les mains dans le cambouis.

Après avoir recherché une solution avec l’aide de Hillary Clinton, Barack Obama a enfin trouvé la brèche et l’a exploitée dès la première opportunité. Etat-voyou hier, attiré par le nucléaire nord-coréen, la Birmanie n’est plus le même pays aujourd’hui. Ses conflits ethniques, les retards de ses campagnes, son déficit de structures, son sous-développement ne sont plus statiques. Elle part de très loin, mais elle bouge.

Du coup, le Cambodge qui se modernise, ouvert à tous, les bons comme les mauvais, a vu ses gouvernants tancés comme de mauvais élèves, enfoncés à s’en cacher dans les profondeurs de leurs fauteuils de nouveaux riches. Ils ont pris un coup de vieux. Certes, ils se rattrapent en se disant que les leçons de morale américaine ne durent qu’un temps et que ce qui compte le plus est de conserver quelques bons amis aux poches pleines. Mais, dans ce genre de panorama très large, il y a les habitudes d’hier et celles de demain, avec une Thaïlande égale à elle-même, plantée en plein milieu du décor, qui ne dit jamais non mais se contente, souvent, d’observer.

Barack Obama le réélu, qui n’a même pas pris le temps de sabrer le champagne de la victoire, s’est précipité à l’est. Dès le premier voyage à l’étranger et en Asie de son second  mandat, il a su trouver un souffle en dépit de l’environnement dans lequel il s’est retrouvé. Vladimir Poutine a fait faux bond, Wen Jiabao est un premier ministre sur le départ, le chef du gouvernement japonais Yoshhiko Noda ne survivra pas aux élections qu’il vient d’annoncer, le premier ministre du Vietnam est controversé et le président sud-coréen s’apprête à prendre sa retraite.

En outre, l’année qui vient n’annonce pas de bouleversements. L’Asean a beau s’être entendue sur le refus d’une «internationalisation» des contentieux en mer de Chine du sud, ce consensus a été exprimé du bout des lèvres et ne satisfait déjà pas le président Aquino des Philippines (et si les Vietnamiens ne disent encore rien, ils n’en pensent pas moins). Ce contentieux se résorbe d’autant moins qu’en 2013, Chinois et Américains auront d’autres priorités : les premiers, avec l’écart croissant entre riches et pauvres ou la dégradation de leur environnement ; les seconds avec leur économie.

Visant le long terme, Obama aborde déjà un rééquilibrage de son pivotement vers l’Asie en insistant désormais davantage sur les aspects économiques, non les militaires. Personne, pour le moment, ne semble avoir envie d’en découdre et c’est une partie complexe qui se réamorce. Les points marqués à Rangoon par Obama font déjà réfléchir Pékin.