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Analyse ASEAN Asie Cambodge Politique

Comme le bambou, l’Asean plie sous le vent, sans rompre

Le vingtième sommet de l’Asean se tient à Phnom Penh, les 3 et 4 avril. Au menu : la Mer de Chine du Sud et le marché unique en 2015.

Développement révélateur : le président Hu Jintao effectue une visite officielle au Cambodge  à la veille du sommet de l’Association des nations de l’Asie du sud-est à Phnom Penh. La Chine rappelle, à cette occasion, qu’elle est le premier investisseur au Cambodge et se félicite de l’appui diplomatique que le Cambodge, qui assure la présidence de l’Asean en 2012, lui accorde sur les dossiers qui lui tiennent à cœur.

Pékin en a besoin.  Ces deux dernières années, l’agressivité de la marine chinoise en Mer de Chine du Sud a remué l’Asean plus que d’habitude. De leur côté, en 2010, les Etats-Unis ont pris le parti d’exprimer leur préoccupation à propos de ces eaux revendiquées par six Etats riverains (Chine, Vietnam, Philippines, Malaisie, Taïwan et Brunei) et par où transitent les deux tiers du commerce maritime entre les Extrême et Proche Orients. La présidence cambodgienne tentera de calmer le jeu face aux pressions exercées, notamment par le Vietnam et les Philippines, en faveur de l’adoption par l’Asean d’une position commune. En 2010 et 2011, les présidences vietnamienne puis indonésienne de l’Association avaient poussé en avant ce dossier. Les Cambodgiens n’en feront probablement pas autant.

Les réunions de l’Asean sont ainsi monopolisées par des questions dites d’actualité mais qui peuvent très bien – c’est le cas du contentieux en Mer de Chine du Sud – présenter de sérieux risques dans le long terme. Cette crise prend le relais de la question birmane qui, ces dernières années, avait empoisonné les sommets de l’Association ou les réunions que l’Asean organise régulièrement sur les questions de sécurité régionale avec ses «partenaires de dialogue», parmi lesquels figurent les grands de la planète.

Une forte capacité d’adaptation

Ainsi va l’organisation la plus ancienne de l’Asie, puisqu’elle a été formée en 1967, en pleine intervention militaire américaine au Vietnam, par les régimes anti-communistes d’Asie du sud-est – Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour et Thaïlande  – que le petit sultanat de Brunei a rejoint dès la proclamation de son indépendance en 1984. Un club de diplomates joueurs de golf. Il s’agissait surtout, à l’époque, d’empêcher que les tensions internes au groupe ne dégénèrent (une guerre avait été évitée de justesse en 1963, quand l’Indonésie avait menacé d’attaquer la Malaisie, tout juste indépendante).

L’Asean a montré une grande faculté d’adaptation. Elle s’est ouverte aux régimes communistes après la fin de la Guerre froide, intégrant le Vietnam en 1995, le Laos et la Birmanie (Myanmar) en 1997, et le Cambodge en 1999. Parallèlement, elle a commencé à mettre en place une zone de libre échange tout en négociant des accords de même type avec ses voisins, y compris la Chine. Aujourd’hui, elle se trouve dans la dernière ligne droite et propose de réaliser un marché unique en 2015, soit dans trois ans seulement.

Une dernière étape pleine d’embûches

L’Asie du sud-est bénéficie d’une expansion solide (dans une fourchette prévue de 5,6% à 6,3% en 2012, contre 4,5% en 2011) et l’économie de l’Asean serait la neuvième de la planète si elle était intégrée. Ce n’est pas le cas et l’ultime étape vers la réalisation d’un marché unique se heurte à de grosses difficultés. La gestion de l’Asean se retrouve dans les mains d’Etats aux capacités limitées et dont la priorité est non de créer un marché unique mais de combler leur retard sur les autres membres : Cambodge en 2012, Brunei en 2013, Birmanie en 2014, Laos en 2016. Avec une direction moins motivée et sans le pouvoir d’imposer, le plus difficile reste donc à faire dans les domaines des investissements, de l’ouverture du commerce et des services, des transports, des douanes…

Un autre handicap de l’Asie du sud-est, malgré son dynamisme, est de demeurer à la périphérie des centres de décision. Offrir une plate-forme en vue de faciliter des échanges – ce qui est le cas, depuis 1994, dans le cadre du Forum de l’Asean sur les questions de sécurité – ne signifie pas un transfert de pouvoir. Enfin, l’Asean n’a même pas franchi le pas d’une ébauche de pacte militaire, ce qui fait l’affaire de ses voisins, notamment de la Chine, laquelle joue sur l’absence d’une ligne commune des Etats de l’Asean, notamment dans le contentieux sur la Mer de Chine du Sud. Et devrait pouvoir continuer de le faire.

Jean-Claude Pomonti

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Asie Politique

Recul de l’application de la peine de mort

L’application de la peine de mort a reculé en 2011 en Asie du sud-est,  selon Amnesty International. Plus de la moitié des exécutions au monde auraient eu lieu en Chine.

Aucune exécution n’a été recensée, l’an dernier, à Singapour, en Thaïlande (pour la deuxième année consécutive) en Indonésie (troisième année consécutive). Le rapport, diffusé le 27 mars, signale qu’Amnesty International n’a pas pu établir si des exécutions avaient eu lieu en Malaisie. Au Vietnam, où les exécutions sont  classées secret d’Etat, AI en a recensé au moins 5.

En ce qui concerne les condamnations, AI donne les chiffres suivants : plus de 33 en Birmanie/Myanmar (où 657 condamnations à mort ont été remplacées par la prison à perpétuité par décret le 16 mai) ; plus de 6 en Indonésie ; 108 au moins en Malaisie (696 en attente d’exécution, dont un tiers d’étrangers) ; plus de 5 à Singapour ; 40 en Thaïlande (600 en attente) ; au moins 23 au Vietnam.

Dans son rapport diffusé le 27 mars, AI estime que 676 individus ont été exécutés en 2011 (soit 149 de plus qu’en 2010), chiffre qui ne tient pas compte de la Chine, qui aurait exécuté, secrètement, plus de prisonniers que «tous les autres pays du globe réunis». Au Proche Orient, les exécutions confirmées ont été en augmentation de 50%. En revanche, seuls 20 pays ont procédé à des exécutions (contre 31 en 2002). Derrière la Chine, les pays qui exécutent le plus souvent ont été l’Arabie saoudite, la Corée du Nord, les Etats-Unis, l’Irak, l’Iran, la Somalie et le Yemen.

 

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Asie Corée du Nord Politique

La peur d’une roquette nord-coréenne de longue portée

Barack Obama participe à Séoul à une réunion de 50 Etats sur la sécurité nucléaire. Le souci majeur : réagir face au projet de lancement d’une roquette par Pyongyang.

La roquette nord-coréenne aurait une portée suffisante pour atteindre les Philippines et même l’Indonésie même si elle n’est, officiellement, chargée que de placer en orbite un satellite. Elle doit être lancée entre les 12 et 16 avril 2012, à l’occasion des célébrations du centième anniversaire de la naissance de Kim Il-sung, fondateur du régime. Selon un porte-parole militaire sud-coréen, des satellites-espion ont repéré le déplacement d’une roquette du type Unha-3, de longue portée, vers son site de lancement aménagé dans le nord-ouest coréen.

Deuxième du genre – un premier avait eu lieu en 2010 –, ce sommet, les 26 et 27 mars, a pour objet de s’assurer que l’arme nucléaire ne tombe pas dans les mains de terroristes. Mais la priorité, cette année, est la menace nucléaire que représente la Corée du Nord. Avant sa rencontre, le 26 mars, avec le président chinois Hu Jintao, Obama s’est rendu sur la zone démilitarisée, où sont stationnées des troupes américaines, et a mis en garde les Nord-Coréens, les tirs de missiles étant interdits par le Conseil de sécurité de l’ONU. «Ils doivent comprendre qu’un mauvais comportement ne peut être récompensé», a-t-il dit tout en ajoutant que la Chine n’a pas contribué à modifier l’attitude de Pyongyang.  Nouvelle phase de tension.

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Asie Politique

Un peu plus d’Asie à la Banque mondiale

Barack Obama a proposé, le 23 mars, que Jim Yong Kim prenne la relève, à la présidence de la Banque mondiale, de Robert Zoellick, qui s’en va en juin.

Le choix de la Maison blanche devrait prévaloir, en dépit des pressions croissantes d’économies émergentes (cette fois, la candidature de la ministre nigériane des finances, Ngozi Okonjo-Iweala, avait été avancée par l’Afrique du Sud, l’Angola et le Nigéria).

Ressortissant américain d’origine coréenne, Jim Yong Kim, 53 ans, dispose d’un gros bagage : une double formation de médecin (spécialiste de la tuberculose) et d’anthropologue (un doctorat à Harvard) ; plusieurs expériences de gestion, en tant que haut-fonctionnaire de l’ONU et, depuis 2009, de président de l’une des plus prestigieuses universités américaines (le college de Dartmouth à Hanover, New-Hampshire, encore que sa gestion ait été controversée parmi les étudiants).

En choisissant un spécialiste de la tuberculose, très engagé dans la médecine sociale sur le plan international (Kim a fondé Partners in Health en 1987), le président américain a adressé un clin d’œil au monde en développement. Avec la nomination à l’une des directions de la Banque mondiale, en 2010, de Sri Mulyani Indrawati, une économiste dont le président indonésien s’est séparé pour des raisons politiques, l’Asie est davantage présente à la tête de l’institution internationale.

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Politique Viêtnam

Vietnam : condamnation de leaders montagnards

Au Vietnam, à la suite d’un vaste rassemblement en 2011 de Hmong, ethnie minoritaire, des sanctions ont été prises contre les leaders présumés.

Huit leaders de l’ethnie minoritaire Hmong, au Vietnam, ont été condamnés à des peines de prison ferme de 24 mois (six individus) à 30 mois (les deux accusés considérés comme les meneurs) par un tribunal de Diên Biên Phu. Ils ont été accusés d’avoir organisé, fin avril et début mai 2011 dans le district de Muong Nhe, sur la frontière laotienne, un rassemblement de milliers de Hmong, venus du nord-ouest mais également des Hauts-Plateaux du sud, pour créer un «royaume hmong», rapporte le 20 mars Eglises d’Asie.

L’agence des Missions étrangères de Paris rapporte également qu’«ils avaient organisé un immense camp où ils attendaient ce que la presse officielle elle-même avait appelé « un Sauveur spirituel ». Malgré l’extrême discrétion des rapports officiels, on avait appris à l’époque que de très importantes forces de l’ordre, secondées par des hélicoptères, avaient été mobilisées pour disperser le rassemblement. Des informations ont fait état de plusieurs dizaines de blessés et de mort chez les Montagnards, informations non vérifiées de sources indépendantes à cause du black-out total qui a entouré cette affaire. »

Eglises d’Asie rappelle que la prédication radiophonique, «traduite en langue hmong», d’un pasteur américain, Harold Camping,  avait annoncé le retour du Christ et «l’enlèvement des chrétiens» le 21 mai 2011, ce que des protestants américains avaient jugé comme «la cause indirecte de la répression subie par les chrétiens hmong.»

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Indonésie Politique

Indonésie : les extrémistes deviennent des terroristes

La frontière entre radicaux et terroristes islamistes est de plus en plus brouillée, conclut une enquête à Cirebon (Java ouest).

Contrairement à leurs prédécesseurs, ils ne vont plus au Pakistan ou en Afghanistan apprendre la fabrication et le maniement des explosifs. En Indonésie, les auteurs, en 2011 d’attentats-suicides (à Cirebon, contre une mosquée, 32 blessés ; à Solo, contre une église) ont appris seuls, sur la Toile, à assembler leurs bombes. Ces hommes « sont passés du maniement des bâtons et des pierres, au nom de la moralité et de la lutte contre la déviance, à l’utilisation de bombes et d’armes automatiques,- une tendance qui peut devenir la norme », estime Sidney Jones, experte de l’ICG (International Crisis Group).

Le rapport – Indonésie : From Vigilantism To Terrorism (www.crisisgroup.org) – fait valoir que les frontières idéologiques et tactiques parmi les radicaux islamistes sont désormais brouillées. Du coup, les groupes extrémistes ou les milices islamistes peuvent nourrir en recrues le terrorisme. Chômeurs sans instruction sont, au départ, des militants de mouvements radicaux animés par des prédicateurs islamistes qui prônent la violence. L’ultime pas à franchir est celui de l’action. La tolérance des autorités à l’égard des milices islamistes facilite cette évolution.

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Politique Singapour

Singapour: atterrissage en douceur pour les salaires des ministres

Les ministres singapouriens demeurent parmi les mieux lotis de la planète en dépit des coupes sombres dans leurs salaires opérées en janvier.

Pour éviter que le secteur privé draine les meilleurs cerveaux de la cité-Etat et que ses ministres soient tentés par la corruption, le père-fondateur de Singapour (et son premier ministre jusqu’en 1990), Lee Kuan Yew, avait décidé que les membres du gouvernement bénéficieraient de salaires de PDG. Ce qui a été le cas pendant cinq décennies.

Mais le PAP – Parti de l’action populaire, dominant – a réalisé son moins bon score depuis 1959 aux élections législatives de mai 2011, avec 60,1% des voix (et 81 sur 87 sièges au Parlement). Les énormes salaires officiels n’étant guère populaires, le Parlement a voté, à la demande du gouvernement, des coupes sombres. Le salaire du premier ministre Lee Hsieng Long (le mieux payé des chefs de gouvernement) a été, par exemple, réduit d’un tiers.

Mais ce dernier, qui est le fils de Lee Kuan Yew, continuera de gagner de quoi faire pâlir de jalousie bien des homologues : six fois plus que le premier ministre britannique David Cameron et quarante fois plus que le premier ministre indien Manmohan Singh (sans parler des quatre fois plus que le président Barack Obama).

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Indonésie Politique

Les députés indonésiens, absentéistes et paresseux

Les députés indonésiens sont souvent absents et la qualité de leur travail est «consternante», estime un organe indépendant des activités du Parlement.

Les députés indonésiens ne se sont guère efforcés, en 2011, de gommer leur réputation d’absentéistes paresseux. Ils n’ont voté que 21 sur les 93 projets de loi qui leur ont été soumis (et qui avaient tous  déjà fait l’objet de débats en 2010). Formappi, organe indépendant de contrôle des travaux parlementaires, juge en outre que la qualité des lois votées est « consternante ». Sebastian Salang, coordinateur de Formappi, a déclaré qu’un « bon nombre de lois votées » ont été « contestées et révisées » par la Cour constitutionnelle, selon le quotidien The Jakarta Globe.

Le 17 août dernier, lors de la présentation du budget annuel par le président Susilo Bambang Yudhoyono, plus de 30% des membres du DPR (Assemblée nationale) étaient absents. Début décembre, 280 députés seulement, sur les 560 du DPR, étaient présents lors de l’ouverture de la dernière session de l’année, qui a pris fin le 16 décembre 2011. A l’occasion de ces vacances parlementaires de fin d’année (le DPR a repris ses travaux fin janvier 2012), une enveloppe globale de plus de 20 millions d’€ a été allouée aux députés afin de leur permettre de séjourner dans leurs circonscriptions respectives. Fitra, organisme indépendant de contrôle de la transparence budgétaire, a évoqué un gaspillage de fonds.