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Vietnam : guerre des clans communistes sur Internet

Selon l’hebdomadaire américain Time, les factions adverses au sein du PC vietnamien utilisent la Toile comme un champ de bataille.

L’économie va mal avec un taux d’expansion de 5% en 2012, le plus bas en treize ans. Le Vietnam, en outre, plonge selon l’index de perception de la corruption de Transparency International. 112ème en 2011, 123ème en 2012, relève le site de Time Magazine. Entre-temps, l’extension de la Toile bat tous les records. Ces six derniers mois, près d’un million de Vietnamiens s’inscrivent chaque mois sur Facebook. Fin 2012, on en compte dix millions, soit 9% de la population.

L’un d’entre eux est Huy Duc, journaliste qui est actuellement boursier Nieman à Harvard. Il affiche, sur Facebook, cinq mille amis et treize mille fidèles. Il commente la vie politique vietnamienne, notamment le conflit en cours entre le président Truong Tan Sang et le premier ministre Nguyên Tan Dung. «Des gens comme moi ne retourneront pas dans les rangs des médias officiels aussi longtemps que nous pourrons débattre en ligne». Huy Duc n’est pas un dissident, c’est un enquêteur qui vient de consacrer beaucoup de temps à des recherches sur la fin de la guerre en 1975.

Mais la Toile peut être également le théâtre de règlements de comptes entre dirigeants. Au milieu de l’année 2012, le premier ministre Dung a été l’objet de violentes attaques. Sa fille, consultante en investissements, a été contrainte de démentir «avec véhémence» avoir entretenu des relations d’affaires avec un riche banquier placé derrière les barreaux. Ces attaques ont été si virulentes qu’elles ont dû être «lancées par une faction ou des intérêts qui veulent que le premier ministre se retire», a déclaré à Time le professeur Tuong Vu, qui enseigne à l’université d’Oregon.

Dung a réagi en ordonnant de prendre des mesures contre les blogs incriminés. Il a également ordonné aux officiels de ne pas consulter les blogs sur la Toile. Tuong Vu en conclut que «des factions rivales au sein du parti ont essayé d’exploiter les blogs  pour faire face à d’autres factions» et que, «désormais, la blogosphère est hors du contrôle du gouvernement». Carlyle Thayer, analyste australien reconnu, a déclaré à Time que les nouveaux blogs ont mis «le feu à la maison et sont lus par tout le monde». Danlambao (les gens qui font du journalisme), l’un des blogs les plus populaires, a déclaré, dans une lettre ouverte et anonyme : «nos contributeurs comprennent non seulement des enquêteurs indépendants et des freelance, mais également des reporters employés par les médias officiels et des informateurs qui font partie de l’administration».

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Vietnam : deux députés réclament la démission du premier ministre

En séance plénière de l’Assemblée nationale, deux députés ont réclamé la démission de Nguyên Tân Dung, chef du gouvernement depuis 2006. Le fait est sans précédent.

Duong Trung Quôc, député de la province de Dông Nai, limitrophe de Hochiminh-Ville, a demandé si le premier ministre jugeait nécessaire ou non d’amorcer une «culture de démissions» concernant les officiels de haut rang et les dirigeants de l’Etat, selon le quotidien anglophone Vietnam News. Historien qui appartient à la petite minorité de parlementaires non-communistes, Quôc aurait ajouté, selon le Bangkok Post, qu’il était temps que Nguyên Tân Dung « prenne vraiment ses responsabilités et ne se contente plus de s’excuser». «Les gens se demandent pourquoi il semble que le premier ministre n’attache pas autant d’importance à ses responsabilités vis-à-vis du peuple qu’à l’égard du Parti», aurait-il dit.

Ces remarques publiques, au cours d’une séance plénière de l’Assemblée nationale à Hanoï le 15 novembre, se sont répandues sur la Toile comme une trainée de poudre. Un autre député, Nguyên Ba Thuyên, originaire du Sud, ce qui est également le cas de Dung et de Quôc, a déclaré de son côté que l’incapacité du premier ministre à régler les problèmes économiques du Vietnam a mis en cause la crédibilité de la direction communiste.

Les attaques publiques et frontales sont très rares au Vietnam. En octobre, à la suite de plusieurs scandales financiers et d’arrestations de dirigeants dans les milieux bancaires et les entreprises publiques, un plénum du Comité central du PC s’est réuni pendant quinze jours, une longueur exceptionnelle. A la suite de ces discussions, le premier ministre a présenté, devant l’Assemblée nationale, des excuses pour les manquements et les faiblesses de sa gestion économique. Les interventions des deux députés laissent toutefois penser que la crise politique n’a pas pris fin avec l’autocritique du chef du gouvernement.

Nguyên Tân Dung a répondu avec calme qu’il n’avait pas caché les insuffisances de sa gestion et que c’est le parti qui lui avait donné pour mission, en 2011, de continuer dans les fonctions de premier ministre. Pendant des années, le Vietnam a connu un taux de croissance annuel moyen de 8%. Mais ce taux a nettement baissé et ne serait que de 5,2% en 2012. Des milliers de petites entreprises ont fait faillite ou sont menacées de banqueroute. Le secteur immobilier est en crise. Enfin, plusieurs entreprises publiques affichent d’énormes dettes et des déficiences apparemment liées à la corruption.

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Vietnam : projet de réorganisation au sommet de l’Etat

L’Assemblée nationale étudie des projets d’amendements de la Constitution de 1992 susceptibles de renforcer les pouvoirs du chef de l’Etat. Rééquilibrage ?

Les effets politiques de la crise financière au Vietnam n’ont pas fini de se faire sentir. Si l’on en croît le site de Tuoi Tre, Phan Trung Ly, président de la Commission législative, a lu à haute voix le 29 octobre, devant l’Assemblée nationale réunie en séance plénière à Hanoï, neuf propositions d’amendements à la Constitution de 1992.

Si ces amendements sont votés, les pouvoirs du chef de l’Etat seront renforcés. En tant que président de la République socialiste, il «dirigera les forces armées et détiendra les fonctions de président de la Commission de la défense nationale et de la sécurité». Il sera chargé de nommer les généraux, les amiraux, les chefs d’état-major et les présidents du Département politique de l’armée populaire.

Le chef de l’Etat, poursuit Tuoi Tre, dispose aussi, selon le projet, du pouvoir d’annuler les décrets «du gouvernement ou du Premier ministre pour assurer l’unité du système légal. Le président a également le droit d’assister au conseil des ministres». Enfin, est réaffirmé le droit du président, qui figure déjà dans la Constitution (art. 103), «de recommander à l’Assemblée nationale d’élire ou de démettre les vice-présidents ou le premier ministre».

L’actuel chef de l’Etat est Truong Tan Sang, N° 2 du bureau politique du PC, et le Premier ministre Nguyen Tan  Dung, N° 4. Tous les deux sont originaires du Sud et âgés de 64 ans. Ils passent pour être des concurrents et ce serait pour les départager qu’en 2011, Nguyen Phu Trong a été nommé Secrétaire général du PC (et N°1 de son politburo).

Depuis, la crise financière aurait exacerbé les divergences. Plusieurs hommes d’affaires, banquiers et même des dirigeants d’entreprises publiques ont été placés sous les verrous. Plus récemment, fait inhabituel, dans un discours prononcé devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre a reconnu des erreurs de son gouvernement dans la gestion de la crise. Il est toutefois très difficile de mesurer l’éventuelle incidence des amendements en discussion. L’Assemblée nationale, écrit encore Tuoi Tre, doit leur consacrer deux séances, les 6 et 15 novembre prochains.

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Vietnam : le Premier ministre reconnaît publiquement ses erreurs

Nguyên Tân Dung a admis, le 22 octobre, ses fautes dans un discours solennel devant l’Assemblée nationale. Il est affaibli par une crise financière qui perdure.

Devant les députés réunis à Hanoï pour la séance d’ouverture d’une nouvelle session parlementaire, le Premier ministre du Vietnam n’y a pas été de main morte. «En tant que membre du bureau politique et premier ministre du gouvernement, a-t-il déclaré, j’accepte franchement la responsabilité politique majeure, comme chef du gouvernement, et reconnais sincèrement mes fautes – en face de l’Assemblée nationale, de tout le parti, de toute la population – en ce qui concerne les faiblesses et les fautes du gouvernement dans la conduite, le contrôle, la gestion, en particulier dans l’inspection et la supervision des activités de groupes économiques, d’entreprises d’Etat ».

Difficile d’en avouer davantage dans un régime monolithique au sein duquel les désaccords au sommet transpirent rarement. Face à la crise bancaire et financière, la réponse du gouvernement a fait l’objet, depuis deux ans, d’une controverse et suscité la réunion, en octobre, d’un plénum du Comité central du PC au cours duquel Nguyên Tân Dung aurait été vertement critiqué. Dans son discours, le Premier ministre a pris ses responsabilités face aux pertes, évaluées en milliards d’€, par deux entreprises d’Etat, Vinashin (chantiers navals) et Vinalines (Transports maritimes), dont plusieurs dirigeants ont été arrêtés.

L’autocritique publique du premier ministre fait peut être partie d’un dur compromis à la tête du Parti mais personne n’en sait rien au juste. Plusieurs dirigeants de banques ont été arrêtés, dont un appartenant à l’entourage du Premier ministre. Le taux d’expansion économique devra être de 6,5% au quatrième trimestre, a dit Dung, pour que le taux de croissance annuel soit de 5,2% en 2012, conformément à ce qui avait été prévu.

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Plénum exceptionnel du PC au Vietnam : surmonter la crise

Le Comité central du PC vietnamien se réunit à Hanoï du 1er au 15 octobre. Un meeting long et secret en pleine crise financière avec, pour thème, comment en sortir.

Il était grand temps que la direction communiste se réunisse. Voilà deux années encore, le Vietnam affichait le profil d’un futur tigre asiatique. Puis la machine s’est déréglée. La croissance (entre 4% et 5%) n’est plus au rendez-vous. Après s’être calmée, l’inflation reprend. Les investissements étrangers diminuent. De grandes entreprises d’Etat (Vinashin, Vinalines, EVN) sont devenues des gouffres alors qu’elles étaient prioritaires dans l’octroi des crédits. On parle d’une dette globale de plus de 30 milliards d’€ du secteur public. En raison d’une corruption éhontée, des têtes ont fini par tomber, dans le secteur public comme dans le privé, jusque dans l’entourage des puissants.

Dans son discours inaugural, le secrétaire général du parti, Nguyen Phu Trong, qui fait un peu figure d’homme-tampon, a déclaré qu’il fallait accorder de l’importance au projet de «la poursuite de l’arrangement, de la rénovation, de l’amélioration de l’efficacité des entreprises publiques». Il a également évoqué la nécessité de s’attaquer à «certains problèmes urgents en matière d’édification du Parti en la période actuelle», selon le site du PC ( www.cpv.org.vn ). Le plénum a été précédé d’une campagne interne de «critique et autocritique» dont les médias ont donné des échos.

Le site du PC indique que le plénum «se concentrera» également sur «les lois sur le foncier», les expulsions faisant régulièrement l’objet de confrontations. Il devrait aussi évoquer «le renouvellement fondamental et intégral de l’éducation et de la formation», un secteur en désarroi. Enfin, le chapitre «édification du parti» semble annoncer un débat animé sur la politique du premier ministre Nguyên Tân Dung, reconduit dans ses fonctions en 2011, non sans difficulté en raison des déboires de certaines entreprises publiques.

Le Vietnam semble aujourd’hui désorienté. Il dispose pourtant de gros avantages : population jeune, taux important d’alphabétisation, ressources naturelles. Mais, surtout après son admission au sein de l’OMC en 2007, il a éprouvé du mal à digérer un gros flot d’investissements étrangers. Le laxisme financier de ses dirigeants et quelques mauvaises habitudes ont également contribué au dérapage. «Trop et trop tôt», juge un cadre du PC. Durcir son attitude à l’égard des critiques en les sanctionnant vertement – ce qui parait le cas en ce moment – ne résoudra ni les problèmes du PC ni ceux d’un pays qu’il continue à vouloir gouverner seul.

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Banques du Vietnam : après les arrestations, les démissions

Quatre démissions de dirigeants bancaires, après les arrestations du dernier mois, laissent penser que la crise politico-financière est loin de se résorber.

Après celui des arrestations, voici le temps des démissions – volontaires ou forcées – dans les cercles financiers du Vietnam. Trân Xuân Gia, président de l’Asia Commercial Bank (ACB), dont l’un des fondateurs, le millionnaire Nguyê Duc Kiên, a été arrêté en août, et deux de ses adjoints ont démissionné de leurs fonctions le 19 septembre «pour raisons personnelles» ou «raisons de santé». Un quatrième banquier, Huynh Trung Cang,  président adjoint de l’Eximbank, a également quitté ses fonctions.

Au Vietnam, ces dirigeants ne sont pas des inconnus. Gia est un ancien ministre du Plan et des Investissements. Cang est un ancien fondateur de l’ACB, au même titre que Kiên.  Les quatre démissionnaires, selon Tuoi Tre, seraient impliqués dans l’approbation par l’ACB d’un dépôt illégal par 19 de ses employés de l’équivalent de 27 millions d’€ dans la Vietinbank. Responsable de cette opération, un ancien directeur de l’ACB, Ly Xuân Hai a été limogé et placé sous les verrous en août, en même temps que Nguyên Duc Kiên, qui était auparavant présenté comme un membre de l’entourage du premier ministre Nguyên Tân Dung.

Selon le site VietnamNet, le conseil d’administration de l’ACB a aussitôt nommé un nouveau directeur général, Trang Hung Huy, lui-même fils d’un ancien PDG de la banque. Formé aux Etats-Unis et âgé de 34 ans seulement, Huy représente une nouvelle génération de banquiers. Il est, toutefois, membre du conseil d’administration de l’ACB depuis 2006 (et son directeur général adjoint depuis 2008).

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Vietnam : le premier ministre déclare la guerre aux blogs

Nguyên Tân Dung a ordonné au ministre de la Sécurité publique d’enquêter et de punir organisations ou individus qui publient de fausses informations sur la Toile.

La décision du chef du gouvernement du Vietnam, le 13 septembre, fait suite à des rapports de l’administration qui affirment, selon le site Thanh Nien, que des sites «publient de fausses informations dans le but de calomnier le gouvernement et de noircir sa réputation».

 Thanh Nien mentionne trois sites indépendants accusés de «ruses diaboliques pratiquées par des forces réactionnaires et hostiles». L’un d’entre eux, Biên Dông (Mer de l’Est, appellation vietnamienne de la Mer de Chine du Sud), se consacre aux informations sur les contentieux maritimes et territoriaux qui opposent le Vietnam (et les Philippines) à la Chine. Ces derniers mois, un durcissement des autorités s’est manifesté à l’égard de l’utilisation de l’internet et des cyberdissidents.

Nguyen Tân Dung a également ordonné au ministère de l’Information et des Communications  de préparer un projet de règlementation de l’internet.  Enfin, les ministères et agences publiques ont reçu l’ordre d’interdire à leur personnel «la lecture de sites antigouvernementaux et la distribution d’informations postées sur de tels sites».

Ces mesures interviennent alors que le Vietnam est la proie de scandales bancaires et que des entreprises d’Etat affichent des déficits budgétaires préoccupants. Le gouvernement a toutefois démenti qu’un appel au FMI pouvait être envisagé pour sortir de l’impasse. Les difficultés financières et la corruption divisent le PC vietnamien et les décisions du premier ministre paraissent être une réponse aux critiques d’autres membres du bureau politique du PC, notamment Truong Tân Sang, chef de l’Etat, lequel aurait l’appui de Nguyên Phu Trong, secrétaire général du PC.

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Vietnam : les arrestations se poursuivent dans les milieux financiers

Une série d’arrestations a lieu dans les milieux d’affaires alors que la bourse dégringole et que la dette des entreprises publiques devient très préoccupante.

La dernière arrestation en date est celle de Ly Xuân Hai, ancien PDG de l’Asia Commercial Bank (ACB). Agé de 47 ans, originaire de Hanoi et titulaire d’un master de Paris-Dauphine, Hai a été arrêté en début de soirée le 23 août, selon le site VietnamNet, à son domicile à Hochiminh-Ville. Son domicile et ses bureaux ont été fouillés. Il est accusé d’avoir «intentionnellement violé les règlements de l’Etat sur la gestion économique». Entre-temps, la Banque centrale est intervenue, comme annoncé, pour renflouer en liquidités l’ACB dont la clientèle s’est ruée pour retirer ses fonds et dont l’action en bourse a chuté de 20%. Hai, PDG depuis 2005, avait démissionné dans la matinée et a été aussitôt remplacé par l’un de ses adjoints.

Son arrestation est intervenue deux jours après celle de Nguyên Duc Kiên, l’un des fondateurs de l’ACB et l’une des grandes fortunes du Vietnam. Kiên a été arrêté pour des raisons qui, officiellement, n’ont rien à voir avec la gestion de l’ACB, quatrième banque commerciale du pays. D’autres arrestations avaient précédé, notamment celles, le 8 août, des deux ‘rois de l’acier’ à Haiphong, Pham Van Tu (le père) et Pham Hai Thanh (le fils), dont la compagnie Thai Son (import-export, chantiers navals, fabrication de l’acier) était censée être financièrement solide. En 2011, Thai Son figurait encore, selon VietnamNet, parmi les cinq cents sociétés privées les plus importantes. A la suite de la chute de 50% du prix de l’acier depuis la crise de 2008, Thai Son a connu de sérieux déboires, ne pouvant plus rembourser ses dettes.

La dette des entreprises publiques est évaluée, de son côté, à quelque 40 milliards d’€, ce qui est considérable. Il y a déjà eu les scandales des trous dans les budgets de Vinashin (chantiers navals) et Vinalines (transports maritimes). D’autres affaires pourraient exploser, mettant en cause un système de copinage qui rend l’âme. Les luttes de clans au sein du PC vietnamien, qui conserve le monopole du pouvoir politique, en sont déjà affectées.  Nguyên Duc Kiên passait, par exemple, pour être le partenaire en affaires de la fille du premier minisre Nguyên Tan Dung, considéré comme l’homme-clé du Bureau politique et du gouvernement.